Bonjour M. Blake. Installez-vous et racontez moi un peu ce qui s'est passé avec votre femme...

" T'as toujours été un minable... J'ai fait des erreurs dans ma vie, ça oui, tu peux me le dire, et tu en es la preuve vivante Henri ! Dégage de chez moi... Pars ! Partez de chez moi Riley et toi ! Ce n'est plus votre maison désormais... Alors tu prends ton gosse et tu te casses compris ? " Une assiette vint se briser sur la porte que j'allais emprunter. Judith était dans une rage folle et je préférais rester silencieux face à ses accusions d'infidélités. Je ne l'avais pas trompé, mais vous savez une rumeur, un coup de blues et voilà 20 ans de vie commune foutue en l'air en un claquement de doigt. J'ai d'abord rigolé nerveusement dans un premier temps pensant que c'était une mauvaise blague, qu'elle ne pourrait pas croire ce genre de conneries, mais visiblement si... J'ai ensuite nié jusqu'à supplier ma femme à genoux de me croire. J'ai tout fait, mais vous connaissez les femmes, elles sont plutôt du genre borné, Judith n'a rien voulu entendre évidemment. Il n'en avait pas fallu plus que ça pour mon couple explose ce soir de décembre alors que le soleil était pourtant au rendez-vous quelques heures plus tôt. Non vraiment, je ne sais pas quoi penser de tout ça. J'en rêve ou plutôt j'en cauchemarde dès que je m'endors. Elle nous a mis à la porte. Est-ce que vous vous rendez compte ? Elle a mis son propre fils dehors ! Ma relation avec Riley a toujours été très fusionnelle quand elle était sans doute plus proche de Connor... Mais de là à ce qu'elle nous mette dehors tous les deux. Il a besoin de sa mère ce pauvre gamin, puis de son frère aussi. Je ne peux pas l'élever seul. Je ne suis pas doué pour ce genre de truc moi, vous savez. On m'a demandé de venir vous voir pour le divorce et compagnie, je n'étais pas très partant, mais je l'ai fait pour Judith pour qu'elle comprenne que je vais dans son sens et qu'elle doit récupérer Riley. Je vais lui bousiller sa vie moi à ce gosse. Vous savez Mme Baker, si Judith m'a quitté ce n'est pas pour rien. Je suis un minable, dans le fond, je sais qu'elle a raison.

Il y a rien à dire, c'est pour ça. Deux ans se sont passés depuis le divorce, je n'ai ni revu ma mère, ni mon frère. Mon père se défonce au boulot pour moi, je le sais alors je dis rien et je ne viens pas me plaindre. C'est comme ça que ça marche visiblement la vie non ? Tu subis et tu fermes ta gueule, c'est bien ça Mme Baker ? Donc voilà, je subis le divorce de mes parents et je me la ferme... Il vaut mieux pour tout le monde, je crois. Donc soit on parle d'autres choses, soit l'heure qu'on doit passer ensemble risque d'être longue et ennuyeuse pour vous.

Riley Blake. Qu'est-ce que j'ai bien pu faire pour t'avoir comme élève. Tous les jour j'entends parler de toi Riley, que ce soit les élèves dans les couloirs ou dans les bureaux des enseignants, tu es toujours sur les lèvres des gens. Tu ne veux pas arrêter d'être immature et grandir un peu. Ton père à d'autres soucis que de s'occuper de toi à temps plein non ? Tu as 17 ans Riley, 17 ans !!

Je regardais cette femme qui ne connaissait rien à ma vie. Son job, c'était de nous garder dans le droit chemin, chose dans laquelle je m'étais perdue il y a déjà bien longtemps. C'était peine perdue avec moi. J'étais le bout en train de ma classe. Je cherchais toujours LA connerie à faire pour faire rire l'assemblée, et que les cours passent plus vite. Ouai, je détestais les cours, mais j'y allais pour faire plaisir à mon père. Mon père il était désormais la seule famille qu'il me restait alors ouai je me devais de le rendre fier de moi. Je croisais Connor régulièrement dans les couloirs de notre lycée, on avait appris à se détester au fil des ans. La haine de nos parents nous avait envahis et à présent, on se détestait autant qu'eux, je crois. Chacun défendant celui avec lequel nous vivions, comme un loup défendrait son territoire. Regard noir, coup d'épaule, provocation en tout genre et personne ne pouvait même soupçonner que Connor et moi, nous étions frères. Ce secret, c'était la seule chose qui nous était commune. D'ici quelques mois, le nom de Connor Blake serait définitivement supprimé de ma vie à la fin du lycée.

Je comatais sur mon siège, écoutant ce prof nous faire cours dans cet amphithéâtre bondé d'élève qui pour la plupart ne rêvait que d'une chose : partir loin. La belle époque était bel et bien finie, je n'avais plus vraiment le droit à l'erreur et on m'avait fait très vite comprendre que si le lycée était une chose, l'université, elle en était une autre. Mes voisins étaient visiblement passionnés par ce prof bedonnant qui moi m'emmerdait, alors je songeais à partir en prétextant un malaise ou une urgence, mais finalement, je vis le gars du rang de devant moi regarder un porno sur son téléphone et sans le vouloir, j'éclatai de rire. Les regards se braquèrent sur moi que je saluai d'un bref signe de la main. Je me penchai pour pouvoir charrier le garçon de devant. " Hey Bieber... Le porno c'est le soir chez toi, pas en cours de socio... " Je rigolais comme un âne à ne plus pouvoir m'arrêter. J'avais du mal voir ce n'était pas possible, il avait l'air d'être le genre enfant de chœur à qui on aurait donné le bon dieu sans confessions pas un de ces pervers à regarder un porno en cours. Finalement, je crois que j'allais bien l'aimer ce type, lui et moi, on allait former un beau duo... On est devenue très vite inséparable lui et moi, comme je l'avais prédis. Même humour grossier, même inexpérience avec les nanas et boulet de tous les jours. Nous notre trucs c'était plus de vivre notre vie paisiblement et de laisser faire le temps. Il a en quelques sortes remplacé la relation que j'avais avec Connor, évidemment c'est différent mais souvent d'en sa façon d'être il y ressemble beaucoup. Mon frère me manque que je le veuille ou non et grâce à Cam, ce manque est moins omniprésent... Sinon je n''ai jamais vraiment su ce qu'il regardait ce jour-là, Camden a toujours nié pendant que moi, j'étais sûr de ce que j'avais vu... Ce jour là en cours de socio c'était bien du porno sur son téléphone !

Le regard dans mon objectif, depuis mon plus jeune âge j'avais très vite préféré regarder la vie au travers de mon appareil plutôt que de l'affronter de pleine face. J'avais dû prendre des milliers et des milliers de photos. J'aimais cette idée de pouvoir capture un moment, une émotion ou une ambiance et la gravé à jamais sur papier glacé. Être celui qui capturait ses moments sans réellement y être était magique pour moi. Toutes ses photos me permettaient de montrer les choses de mon point de vue et de montrer que j'existais moi aussi. C'est dans un magasin de vêtements que mon objectif se posa sur elle. Ses longs cheveux blonds lui tombant dans le dos, sa façon de rire aux éclats et de se mordre nerveusement la lèvre quand un garçon la regardait, me rendait tout simplement dingue. Je ne l'avais jamais croisé dans les rues de Pearl Trees avant cela, mais je comptais bien y remédier. Mon appareil cliquetait dès qu'il croisait son chemin, d'un coup d'œil rapide, je regardais le résultat qui était superbe. Je sais que ça va paraitre dingue, mais je crois être tombé amoureux de cette fille via mon objectif.

"Salut les filles... Je suis désolée de vous déranger, mais vous avez déjà fait des photos ? " Je me grattais la tête, gêné de la situation, je n'étais encore jamais allé aborder qui que ce soit pour lui demander de le prendre en photo. Elles rigolaient toutes les deux nerveusement. " Depuis tout à l'heure, je te regarde et je me demandais si ça pouvait t'intéresser de faire des photos avec moi... " Mon dieu, quel con, j'allais passer pour un pervers avec ce que je venais de lui dire. " Enfin pas avec moi hein... Mais tu m'as comprise quoi... " Mon poul s'accélérait, je ne sais pas si c'est elle qui me rendait nerveuse à ce point ou si c'est la situation ridicule qui me mettait mal à l'aise, en attendait je bégayais et rougissais comme un con. Pour mettre fin au massacre, je pris un feutre noir de mon sac, attrapai sa main et lui notai mon numéro dans la paume de sa main. " Appelle-moi si ça te tente... Il faut que j'y aille, je vais être en retard. " Je leur fis un petit signe et sortis du magasin en vitesse, en espérant qu'elle m'appelle elle aussi, en vitesse...

Le sommeil ne venait pas, je tournais virait dans mon lit, bougeant les couettes, changeant de position... Rien n'y faisait. Mon esprit était ailleurs. La découverte que je venais de faire grâce à cette rousse névrosée, m'avait bouleversé. Devais-je en parler à mon père ? Allez chez ma mère ? Au divorce, elle n'avait plus jamais voulu entendre parler de moi. Étant le portrait craché de mon père, elle m'avait dit que je participais à son malheur et que c'était mieux pour tout le monde que chacun reste avec son enfant. À croire que nous n'avions pas les mêmes parents. Mon frère avait suivi le mouvement et moi par la même occasion. On s'était fait une raison, je crois. Au début, on continuait à se voir, puis de moins en moins jusqu'au jour où chacun de nous a commencé à prendre parti, alors qu'on s'était promis de ne jamais le faire. C'était le début de la fin. La haine s'était emparée de nous, et avait fait de nous des frères fusionnels inséparables à de véritables ennemis, connaissant la moindre faille de l'autre. Je me détestais de le détester, mais je n'arrivais plus à faire autrement. Il avait accepté que ma mère nous jette comme des mal propre pendant que lui était heureux... Mais le problème était plus gros à présent, mon frère allait mourir et personne n'avais même juger bon de nous en avertir. Je n'avais qu'une envie : retourner dans mon ancienne maison pour demander des explications, mais j'en étais incapable. Croiser le regard de ma mère, celle qui m'avait abandonné, traitée de tous les noms m'était insurmontable à l'heure actuelle... Je devais établir une stratégie et trouver un moyen de reprendre contact.

Je sortais de mon rendez-vous avec le médecin, attendant que sa petite secrétaire rousse veuille bien faire son boulot et me donner les ordonnances pour mon traitement épileptique, comme tous les six mois. Je la vis fouiller dans ses étagères remplies de dossiers classés par ordre alphabétique, mais visiblement, elle était tout sauf pressée. Elle venait de raccrocher le téléphone, rêveuse et un sourire béa jusqu'aux oreilles. Ha ces filles toutes aussi insupportables les unes que les autres. Tout ce que je savais, c'est qu'une fois de plus j'étais à la bourre et je n'avais pas franchement le temps d'attendre que madame se remette de son petit coup de fil et se décide enfin à s'occuper de moi. " Je ne sais pas vous, mais moi, j'ai des choses à faire... Donc si vous pouviez me donnez mon dossier et rapidement. " J'étais agacée et ça s'était entendu, sans même relever la tête et m'accorder un temps soit peu d'attention, elle me tendit finalement mon foutu dossier, toujours ce sourire niait jusqu'aux oreilles. C'est en sortant du cabinet que je vis l'erreur qu'elle venait de commettre. Elle venait de me donner le dossier médical de mon frère... Cela faisait bien deux ans que je ne l'avais même pas croisés dans nos rues, pourtant étroites, de Pearl Trees. Faire demi-tour sans même regarder ou céder à la tentation ? Le choix était très vite fait !

C'est là que je vis ses problèmes de santé, ses examens à n'en plus finir et tous ses résultats qui m'avaient l'air mauvais, très mauvais... Le dossier était remplis de tout un tas de scanner, de résultats sanguins je crois, de prescriptions, d'ordonnance et d'autres choses qui ressemblait à du chinois pour moi. Je n'avais pas besoin de tout comprendre pour réaliser la gravité de son état. Mon frère était gravement malade. La nouvelle me fit un choc énorme et m'empêcha de respirer.  Alors que j'étais sur le perron du cabinet, je tambourinais la porte pour que quelqu'un puisse venir m'aider. J'avais déjà fait plusieurs fois ce genre de crise de panique pendant le divorce de mes parents et après, et malgré les conseils qu'on m'avait donné pour me calmer, je n'arrivais à rien. Le souffle toujours coupé, mes poings tambourinaient de toutes leur forces pour montrer l'urgence de la situation. Je vis apparaitre après un temps qui me paraissait interminable, la petite rousse avec son air angélique ouvrir la porte. " Aidez-moi... " Soufflais-je entre mes lèvres avant de m'effondrer lamentablement au sol. Quelques minutes plus tard le mal était fini, j'avais repris mon souffle, fusillant la secrétaire du regard. " Prenez votre foutu dossier et donnez moi le mien... La prochaine fois que vous vous faites sauter, ne venez pas au boulot le lendemain si c'est pour être dans un état pareil ! " La colère et le chagrin venaient de parler à ma place. Plus malheureux que jamais, il m'était insupportable de voir cette fille heureuse alors qu'elle était responsable de mon malheur actuel. Tout était de sa faute. Elle s'était trompé en me donnant ce dossier de ce frère que j'étais censé rayer de ma vie à jamais. Comment ignorer que son frère allait bientôt mourir et devait être au plus mal... Je devais arranger la situation par n'importe quel moyen, je n'avais plus le choix à présent.