Et voilà la vie de mon personnage...You would not believe your eyes if ten million fireflies lit up the world as I fell asleep Enfant, Jude n’avait pas à se plaindre de sa vie. Tout paraissait parfait, elle avait tout ce dont elle avait besoin, ses parents gagnant bien assez pour disposer de tout le confort nécessaire, elle avait une grande sœur, Emilie, sur qui elle pouvait toujours compter, des parents à l’écoute malgré leur vie plutôt chargée, ainsi que des amis si précieux à ses jolis yeux bleus de petite fille. A vrai dire, Jude était choyée, beaucoup trop sans doute. Elle était la plus jeune fille de la famille, également née deux mois avant la date prévue, provoquant chez sa mère une constante inquiétude. Pour elle, Jude était fragile, comme la porcelaine, et risquait de se briser à la moindre chute, chose que la petite fille reprochait déjà à sa mère. Tout le monde devait toujours prendre soin d’elle, tout le monde était toujours sur son dos pour ne pas qu’elle tombe, elle était comme la princesse Victoria dont la mère avait constamment peur que sa fille soit menacée. La petite blondinette ne comprenait pas. Elle voulait simplement s’amuser avec les autres enfants, elle n’était pas en verre après tout. Peut-être que ce fut pour cette raison qu’elle eût toujours du mal à être proche de sa mère par la suite. Certes, elle l’aimait, mais son caractère surprotecteur l’insupportait déjà à l’époque. Emilie avait trois ans de plus qu’elle. Elle la comprenait, elle était toujours là pour elle, toujours là pour lui donner le bon exemple, pour la guider, pour l’aider à s’en sortir. Sa sœur, c’était son tout. Bien entendu, elle aussi la protégeait de toute sorte de danger, mais ce n’était pas pareil. Emilie, elle jouait avec elle, elle riait parfois quand sa petite sœur, maladroite qu’elle était, trébuchait avant de tomber à terre, pleurant tout en riant, avec l’innocence propre aux enfants. Un petit moment de rires qui ne durait pas, puisque leur mère rappliquait toujours au pas de course vers elle, relevant la petite et vérifiant son état un millier de fois au moins.
« Emilie, qu’est-ce que tu as fait ?! Tu es sa sœur, tu dois la protéger, c’est ton devoir ! Elle aurait pu se faire terriblement mal, et toi tu riais, pauvre idiote ! » Sa mère parlait toujours aussi rudement à Emilie, comme si elle n’était pas sa fille. Jude détestait déjà ça. Sa grande sœur baissait la tête, coupable, les larmes aux yeux d’être autant rejetée par sa mère.
« Pardon, maman. » La mère la regarda d’un air de dédain en prenant la main de sa si précieuse petite poupée, puis commença à l’emmener à l’intérieur, mais celle-ci se rebiffa.
« T’as pas le droit de lui parler comme ça ! Emilie, elle est gentille ! Toi, t’es méchante ! Lâche-moi ! Je te déteste ! » Ce fut la première fois qu’elle prononça ces terribles mots devant sa mère. Elle avait cinq ans seulement. Elle lâcha la main de sa mère, choquée par ce que venait de dire la petite, et retourna vers sa sœur pour la prendre dans ses bras. Elle avait été assez méchante avec sa mère, mais sur le moment, elle n’avait pensé qu’à défendre sa sœur, qui méritait tout autant, sinon plus, l’attention de leur mère. Celle-ci les regarda toutes les deux, blessée, humiliée, les larmes perlant sur son visage, puis se retourna pour continuer sa route vers la maison. Plus ne fut réellement pareil après ça. Sa mère gardait certainement toujours en tête ce qu’avait dit sa protégée avec tant d’animosité dans la voix. Cependant, son comportement envers ses deux filles ne changea pas vraiment. Peut-être qu’elle était jalouse de la relation qu’avait Jude avec sa grande sœur, peut-être qu’elle se sentait rejetée et qu’elle se vengeait sur Emilie pour ça, personne n’en sut jamais rien.
Pretty please, if you ever feel like you're nothing, you're fucking perfect to me Malgré les années qui passaient, rien ne changea. Jude était toujours considérée comme la petite fille fragile de la famille, et Emilie, comme la grande sœur qui devait à tout prix la protéger. C’était injuste. Certes, il était vrai que Jude était la plus fragile, c’était un fait, mais les réactions de sa mère étaient toujours exagérées. Elle ne voyait que la petite blonde, et sa sœur finissait toujours délaissée. Il n’était pas rare pourtant qu’Emilie réclame l’attention de sa mère, mais chaque fois, elle obtenait la même réponse cruelle. ‘Je m’occupe de Jude, il faut veiller sur elle avant tout.’ Et sa sœur repartant, la tête basse et les yeux larmoyants, déçue. Pourtant, Jude ne ressentit jamais de haine ou de jalousie venant d’elle. Emilie avait l’incroyable faculté de ne pas s’en prendre à sa sœur. Elle l’admirait tellement, sa grande sœur, son ange gardien, sa gentille protectrice, pourtant si malmenée par leur mère commune. Leur père n’était pas comme ça. Lui, il s’occupait de chacune d’elles de la même manière, à part égale, souriant à l’une et à l’autre avec la même lueur dans les yeux. C’était quelqu’un de bien leur père. Il était souvent occupé, il fallait le dire, il gérait sa société du mieux qu’il le pouvait, générant ainsi l’argent nécessaire au confort de sa petite famille. Ils n’étaient pas à plaindre, c’était certain. Pour Jude, c’était le paradis. Elle était choyée, certes un peu trop, et ça l’énervait, mais elle était bien, elle avait tous ces anges avec elle. Cependant, une cassure arriva bien vite, sans prévenir, brisant l’idéal auquel Jude croyait. Elle avait quinze ans, Emilie en avait dix-huit. A dix-huit ans, elle décida d’en finir avec la vie. Un soir, leur mère plaça une dernière critique envers sa fille, terrible, telle qu’une mère ne devrait jamais parler à son enfant. Et elle l’avait fait, elle avait osé prononcer ces mots si blessants envers sa fille, déjà perdue dans ce monde.
« J’aurais parfois préféré n’avoir eu que Judie. » Judie, ce petit surnom affectueux qu’elle utilisait pour la désigner elle, crevant le cœur de sa grande sœur. Emilie s’échappa de table en pleurant à chaude larme et Jude commença à s’énerver, défendant fermement sa sœur avant de monter la rejoindre. Elle frappa à la porte, désireuse de réconforter sa sœur.
« Va-t’en Jude. » « S’il-te-plaît… Ne reste pas toute seule… » Elle entendait les sanglots d’Emilie et ça lui brisait le cœur.
« J’ai dit va-t’en, laisse-moi tranquille ! » Jude baissa la tête, puis finit par partir, après tout, peut-être qu’elle voulait vraiment rester seule, peut-être que c’était le mieux à faire. Elle n’avait jamais fait d’aussi grosse erreur. Une heure plus tard, elle entendit sa sœur chuter sur le sol. Inquiète, elle se précipita vers la porte pour l’ouvrir, mais elle était verrouillée. Elle hurla pour que ses parents arrivent, et son père, devant l’absence de réponse de la part de sa fille, finit par défoncer la porte. La scène qui se tenait devant elle traumatisa Jude à jamais. Sa sœur, étendue sur le sol, des boîtes de cachets entièrement vides, une odeur nauséabonde, due certainement à ce que sa sœur avait recraché. Elle avait voulu se tuer. Elle fut immédiatement transportée à l’hôpital et, bien qu’elle fût sauvée, elle ne se réveilla pas aussitôt. C’était la faute de sa mère, elle le savait, tout était de sa faute.
« Comment tu as osé lui parler comme ça ?! Comment tu peux être aussi ignoble envers elle !! C’est ta faute ! Ta faute ! Je te hais ! Je te déteste ! Tu lui as brisé le cœur, et elle a voulu en finir ! Je ne te pardonnerai jamais ! » Non, jamais elle ne lui pardonnerait. Pas ça, c’était bien trop grave. Cela faisait désormais trois jours que sa sœur était dans le coma et que Jude se demandait si elle reverrait un jour sa sœur. Trois jours qu’elle se méprisait de n’avoir pas insisté pour entrer dans sa chambre et rester auprès d’elle. Emilie souffrait, et elle l’avait vu bien trop tard. C’était aussi de sa faute tout ça. Trois jours qu’elle pleurait constamment, même à l’école, sans se soucier du regard des autres face à ses larmes. Elle marchait dans le couloir comme une âme en peine, plongée dans ses réflexions les plus sombres, pleurant à chaudes larmes, en silence cependant, seule. Elle portait tout un tas de bouquins, de cours, mais également des livres qu’elle avait emprunté à la bibliothèque, sans faire attention où elle allait. Et finalement, ce qui devait arriver arriva, et sans qu’elle ait eu le temps de s’en rendre compte, elle était à terre, ses affaires éparpillées un peu partout autour d’elle. On venait de la percuter violemment. Elle n’eût même pas le courage de crier après l’imbécile qui l’avait bousculé.
« Pardon ! Je ne regardais pas où je mettais les pieds ! Tu vas bien ? » Jude releva doucement la tête, toute larmoyante qu’elle était, et aperçut un garçon qui se pencha vers elle pour l’aider. Il était charmant, et il paraissait gentil. Elle ne répondit rien et commença à ramasser ses affaires.
« Attends, je vais t’aider. » Elle eût un geste de recul, reniflant bêtement, surprise. Il prit ses affaires et l’aida à se relever, puis lui tendit ses livres. Elle murmura d’une voix faible, incapable de sourire.
« Merci. » Le garçon la fixa attentivement, l’air soucieux.
« Tu n’as pas l’air très bien… Je t’ai fait mal ? Tu veux aller à l’infirmerie. » Elle secoua vivement la tête à la négative, ses larmes continuant de couler comme s’il venait d’enfoncer le clou.
« Non, ce n’est pas toi… C’est rien. » Il esquissa un petit sourire rassurant mais elle baissa la tête.
« Je m’appelle Mason, et toi ? » Elle avait envie de partir en courant.
« Jude. Merci pour les livres. » Elle fit demi-tour et partit en pressant le pas, avant de se mettre à courir dans le couloir pour échapper à l’étouffement de ce monde. Elle finit sur le toit, endroit paisible pour réfléchir et pleurer sans que personne ne l’aperçoive.
My heart's a stereo it beats for you, so listen close, hear my thoughts in every note Emilie se réveilla une semaine après sa tentative de suicide. Jude avait eu si peur de la perdre qu’à son réveil, elle ne voulut pas la lâcher une seule seconde. Bien des choses changèrent suite à cet événement. Leur mère réalisa certainement ce qu’elle avait fait tout au long de la vie de sa fille, à savoir la tirer sans cesse vers le bas jusqu’à ce qu’elle en vienne à vouloir en finir. Elle aussi avait finalement eu terriblement peur de la perdre, contre toute attente. Elle s’excusa auprès d’Emilie, en larmes, la suppliant de lui pardonner, dans un état tel que personne ne l’avait encore vu. La haine de Jude envers sa mère s’apaisa légèrement, même si la rancœur empêchait toujours son cœur de l’aimer profondément. Elle avait tout de même poussé sa fille au suicide, et elle ne lui pardonnerait pas si aisément. Emilie jura de ne plus recommencer, et la voir sourire rassura toute la famille. Ils repartaient sur la bonne voie, sans doute renforcés par cette épreuve. Ce fut après ça que Jude réalisa à quel point la vie était fragile. Un jour, on était là, et le lendemain, on disparaissait. Elle comptait bien profiter de chaque instant plus que jamais, et aider les autres à voir la vie de cette même manière. Ce fut peut-être là qu’elle décida de devenir psychologue. Elle voulait aider des gens comme sa sœur, qui parfois trouvent la mort plus intéressante que la vie, meilleure, elle voulait simplement les aider à aller mieux, à se débarrasser de leur poids, de leurs démons. Ce n’était peut-être pas grand-chose d’être psychologue après tout, elle n’était pas sûre de réussir à soutenir tous ces gens, mais elle poursuivait ce but dans l’espoir d’y arriver. Elle n’avait pas pu empêcher sa sœur d’avaler ces cachets, peut-être qu’elle pourrait empêcher quelqu’un d’autre de le faire. Elle le voulait de tout son cœur. La vie reprit petit à petit son cœur, plus douce, plus joyeuse également. La famille était unie, réellement unie cette fois, et même si sa mère restait toujours surprotectrice envers Jude, elle ne délaissait plus Emilie pour autant. C’était parfait, selon elle. Le garçon qui l’avait un jour bousculé, elle le revit plusieurs fois dans les couloirs, mais sans plus. Ce n’était pas son ami, ce n’était personne, à part celui qui l’avait aidé à ramasser ses livres, ainsi que celui dont elle croisait constamment le regard depuis cet instant. Elle n’avait pas conscience de quelle importance il aurait par la suite. Un an plus tard, elle le retrouva au club de théâtre dont elle faisait nouvellement partie, tout comme lui, à croire que c’était fait exprès, ce qui n’était certainement pas le cas. Elle n’y prêta pas réellement attention, jusqu’au jour où, finalement, on les désigna pour jouer un couple pour une pièce de théâtre à jouer en fin d’année. Dès lors, ils se rapprochèrent rapidement, répétant ensemble certains après-midi, riant et discutant tranquillement, jusqu’à devenir amis. Il était agréable, il était ce genre de type profondément biens selon elle. Quand elle parlait de lui, sans s’en rendre compte, ses yeux brillaient presque. Puis, le jour d’une des répétitions générales, le professeur décida de changer quelque peu le script pour, sans doute, rendre la scène plus réelle, plus intense.
« Bien, je veux que vous vous embrassiez maintenant. Quelque chose de beau si possible, ne nous faites pas le coup du petit bisou qui touche à peine les lèvres s’il-vous plaît. » Jude regarda son professeur d’un air indigné.
« Pardon ? C’était pas prévu ça ! On n’est pas obligé, c’est même pas dans le script ! » Elle n’avait jamais embrassé de sa vie, elle avait peur d’être bien maladroite, et l’idée de vivre son premier baiser simplement pour une pièce de théâtre ne l’enchantait guère, même si c’était avec Mason. Le professeur soupira.
« On est au théâtre ! Vous jouez un rôle ! » Ce fut sa seule réplique, complètement stupide et hors de propos. Elle fixa Mason d’un air paniquée pendant qu’il sourit légèrement, d’un air timide, peut-être pour la rassurer, ou peut-être parce qu’il n’avait aucune envie de l’embrasser et que ça le gênait totalement, elle n’en savait rien. Elle inspira et finit par hocher la tête, peureuse. Le professeur leur demanda de reprendre à la réplique précédente, et ils s’exécutèrent, jusqu’à finalement, arriver à la scène du baiser. Mason s’approcha d’elle et lui caressa la joue d’un air doux qui paraissait presque réel, avant de l’embrasser tendrement. Ce n’était plus du théâtre. C’était eux, vraiment eux, qui s’embrassaient, là, pour la première fois. Elle comprit bien vite que ce n’était pas que son ami. Elle oubliait même la scène, et le professeur dût crier plusieurs fois que c’était fini pour qu’ils se détachent finalement l’un de l’autre. Après ça, Jude se fit plus timide envers lui, n’osant pas lui parler de ce qu’elle avait ressenti, s’efforçant de rester malgré tout son amie. La pièce fut un succès après des spectateurs, un succès dont ils étaient bien fiers. L’été suivant, Mason entra dans la société du père de Jude pour y travailler, tout comme elle, avant de reprendre les cours. Ils passaient leurs pauses ensemble à rire de tout et de rien, à se taquiner comme les gamins insouciants qu’ils étaient. Ils étaient très proches, extrêmement proches, ils se confiaient l’un à l’autre sans crainte d’être jugé, ils pouvaient tout se dire, tout, ou presque. Elle ne parla jamais de son cœur qui battait si vite à ses côtés. Il était son meilleur ami après tout, elle n’allait pas gâcher tout ça.
I feel the love and I feel it burn, down this river every turn, hope is our four letter word Après le lycée, Jude entama des études de psychologie, déterminée à poursuivre son but. Elle savait depuis longtemps que c’était ce qu’elle voulait faire dans la vie, et elle approchait de son objectif, chaque jour un peu plus. Tout le monde l’encourageait, à commencer par sa sœur, qui était ravie d’avoir été le déclencheur de cette passion. Elle s’était remise désormais, elle allait bien, elle avait pardonné, et fort heureusement, sa tentative de suicide n’eût aucune grave conséquence sur la santé d’Emilie. Un miracle, en quelque sorte. Mason était toujours aussi présent dans sa vie. C’était son meilleur ami, sans aucun doute, celui qu’elle chérissait le plus, celui à qui elle confiait tout, celui qui l’épaulait toujours et la remotivait quand elle se laissait aller. Il était d’un immense soutien. Ses sentiments pour lui ne s’estompèrent pas avec le temps, à son grand malheur, et elle dû s’armer de courage pour ne rien dire. Elle tenta de l’oublier avec d’autres types, certains intéressants, d’autres bien moins. Elle n’était pas non plus une collectionneuse, mais après trois ou quatre relations avec quelqu’un dont elle pensait être amoureuse, elle se rendit compte qu’il n’y avait que Mason. Pourtant, elle ne voulait rien dire. Ce n’était pas la peine, et ça pouvait tout gâcher entre eux. Pourtant, lors d’une soirée un peu trop arrosée, elle fut incapable de se contrôler. Ils fêtaient la réussite de son objectif : elle était psychologue. Bien entendu, nombreux furent là pour la féliciter, et l’alcool ne fut pas bien loin. Elle se laissa aller à boire, bêtement, tout comme Mason, et finalement, ils se retrouvèrent vite seuls, isolés des autres, à se sourire comme des idiots, l’alcool plein le sang.
« Bravo ! T’as réussi ! Tu vas conquérir le moooooooonde ! » Il parlait fort, trop fort pour ses pauvres oreilles, mais elle se mit à rire, poussée par son taux d’alcoolémie.
« Avant je dois conquérir autre chose ! » Elle avait bien entendu parlé sans réfléchir, le désignant explicitement avec ses beaux yeux de biches.
« Les toilettes ? » Il s’esclaffa et elle se mit à bouder comme une gamine, ce qui rendit le jeune homme hilare. Finalement, elle s’approcha de lui et l’embrassa à pleine bouche, passa ses bras autour de son cou. Elle avait terriblement envie de lui, et ce depuis bien des années. Il se laissa faire, et pire encore, il poursuivit le baiser. En peu de temps, ils atterrirent dans une chambre, retirant chacun leurs vêtements de façon bestiale, comme un besoin vital d’être avec l’autre. Elle était soûle, trop pour pouvoir se contrôler, pas assez pour oublier. Cette nuit qu’elle passa avec lui resta gravée dans sa mémoire. Le lendemain, elle se réveilla à ses côtés et ne put s’empêcher de se sentir coupable. Qu’avait-elle fait ? Elle n’aurait jamais dû. Pour elle, c’était comme si elle venait de mettre un terme à leur amitié en lui sautant dans les bras. Elle l’aimait bien sûr, mais peut-être que pour lui ce n’était rien, peut-être qu’il aurait oublié après tout. Elle lança un dernier regard à Mason, esquissa un sourire en le voyant dormir si paisiblement, puis se releva sans faire de bruit avant de se rhabiller et partir. Elle avait honte de ce qu’elle avait fait, elle avait peur de le perdre à cause de cette erreur. Finalement, après ça, elle tâcha du mieux qu’elle put de l’éviter, prétextant tel ou tel rendez-vous, s’inventant un emploi du temps ingérable, toutes les excuses étaient bonnes pour éviter de le voir, et quand ils se voyaient finalement, elle était quelque peu distante avec lui. Elle ne lui parla jamais de cette nuit, et ne sut donc jamais comment il se sentait vis-à-vis de ça. C’était mieux ainsi pour tout le monde, elle en était persuadée.
If I die young, bury me in satin, lay me down on a bed of roses Il s’était écoulé un mois depuis leur folle nuit. Durant tout ce temps, ils n’avaient presque pas parlé, Jude ayant bien trop peur de le perdre pour oser aborder le sujet. Cette nuit était une erreur, elle le savait, ils avaient bien trop bu, ils n’avaient pas réfléchi, et certainement que Mason avait été embarqué sans s’en rendre compte, sans que cet événement ne soit réellement important. Elle ne voulait pas l’entendre dire que ce n’était rien qu’une histoire d’une seule nuit, une coucherie entre amis comme certains faisaient parfois, ça lui ferait bien trop mal. Elle préféra donc l’éviter un maximum. Emilie, à qui elle se confiait toujours, lui conseilla à maintes reprises de crever l’abcès pour tourner la page une bonne fois pour toute sur cette histoire, mais c’était plus fort qu’elle. Il lui manquait bien entendu, mais c’était le mieux à faire. Puis vint l’annonce qui changea sa vie à jamais. Elle avait depuis des années déjà remarqué que quelque chose clochait, mais personne n’était réellement capable de lui faire un diagnostic convenable, jusqu’à ce fameux jour.
« Parkinson ». C’était tout ce qu’elle avait retenu de la conversation. Avoir le Parkinson à vingt-cinq ans, ça paraissait impossible. Comment ferait-elle pour vivre avec ça, comment ferait-elle pour continuer à travailler, pour voir ses amis ? Ses amis, qu’est-ce qu’elle leur dirait ? Et Mason ? Ses parents étaient effondrés, tandis que Jude tentait de prendre conscience de ce qui lui arrivait. Elle avait peur.
« Est-ce que je vais mourir jeune ? » La question sortit de nulle part, au milieu des cris et des larmes de sa mère, répétant qu’elle avait eu raison d’avoir peur toute sa vie pour la santé de sa fille chérie. Jude ne réalisait pas. Elle savait ce qu’était le Parkinson, mais le fait qu’elle soit aussi jeune lui faisait se poser des tas de questions bien étranges. Le docteur la regarda, comprenant qu’elle était sous le choc, et esquissa un petit sourire se voulant rassurant, que Jude ne remarqua même pas, les yeux dans le vague en attendant sa réponse.
« Non, normalement non. Ce n’est pas une maladie réellement mortelle. Mais plus le temps passe, plus ça dégénère. Il va vous falloir un traitement adapté pour réduire un maximum les symptômes. » Un traitement… A vie ? Allait-elle passer sa vie entière à se battre contre cette maudite maladie ? Elle n’arrivait même pas à pleurer son injustice.
« Je vais pouvoir continuer à travailler normalement ? Mes patients ont besoin de moi… » Le médecin baissa la tête, là encore, il comprenait, après tout c’était la même chose pour lui.
« Au début, oui, et si tout se passe bien, vous allez pouvoir continuer d’exercer encore longtemps sans trop de problèmes. Mais un jour, fatalement, vous serez obligée d’arrêter, je suis navré. » Jude baissa la tête et ses lèvres se fendirent en un sourire blessé, les yeux embrumés.
« Est-ce que… Est-ce que je vais pouvoir avoir des enfants ? » Elle eût une bête pensée pour Mason, incontrôlable, alors qu’elle savait déjà pertinemment qu’il ne serait pas le père de ses enfants rêvés. Le médecin de frotta la tempe, réfléchissant à quoi répondre.
« Tout dépend de l’avancement de la maladie à ce moment-là… C’est difficile à dire aujourd’hui. » Elle hoche la tête en grimaçant légèrement. Elle avait encore tant de questions… Ses parents avaient fini par quitter la pièce, sa mère respirant difficilement suite à cette annonce.
[color=mediumvioletred ? »[/color] Elle pensait surtout à Mason. Elle ne voulait pas lui dire, surtout pas à lui. Elle avait honte de sa maladie, elle avait peur qu’il la rejette, ou pire encore, qu’il la regarde comme une infirme. Elle ne supporterait pas ça.
« Eh bien… Vous n’êtes pas obligée dans un premier temps, mais vous devriez, pour qu’ils digèrent la nouvelle. Vous ne pourrez pas le cacher éternellement Jude. » Il avait raison, elle ne pouvait pas vraiment le cacher toute sa vie. Ce fut à cet instant qu’elle réalisa que la meilleure solution était de s’éloigner. Faire en sorte que plus personne ne s’attache à elle pour ne pas souffrir, et pour ne pas qu’ils souffrent. Elle ne pourrait pas s’éloigner de sa famille, mais si elle pouvait écarter tous les autres, elle le ferait. C’était son but. Suite à cet entretien, sa mère s’effondra un peu plus chaque jour. Chaque fois qu’elle voyait sa fille, elle devenait folle. Elle avait passé sa vie à prendre soin d’elle comme personne, et sans prévenir, une maladie venait l’arracher. Jude décida alors de rendre bien moins visite à ses parents pour ne pas les blesser plus encore. Sa mère n’était pas assez forte pour supporter une fille malade. Finalement, un mois après le diagnostic, elle s’éloigna tellement qu’elle ne parla plus du tout à sa fille. Plus aucun contact, plus aucune discussion avec elle. C’était comme si Jude n’avait jamais existé à ses yeux. Ca faisait mal, mais encore une fois, c’était peut-être mieux. Son père lui rendait visite de temps à autre pour prendre des nouvelles, mais lui non plus ne supportait pas bien son état. Evidemment, Jude n’était pas à l’article de la mort, et le traitement lui permettait des jours tout à fait normaux, sans réellement d’apparition de symptômes, mais la savoir malade était terrible. Emilie resta à ses côtés, toujours, l’aidant à faire face, devenant sa confidente attitrée, sa meilleure amie, sa sœur, son ange gardien. Emilie faisait tout pour sa sœur, sans doute trop, poussée par la peur de la perdre. Quant à Mason… Jude ne lui parla pas du Parkinson et renforça la distance entre eux comme jamais. Elle ne l’appelait plus, ne le contactait plus, et comptait les jours en craignant le jour où il finirait par débarquer pour savoir ce qu’elle avait. Sa vie avait pris un tournant inattendu, fauchant tout sur son passage. Elle se demandait constamment quand arriverait ce fameux jour où elle ne serait plus capable de rien faire seule.