All of the lights

Des ombres étranges qui flottaient derrière le pan de mur, des bruits suspects et puis, le silence. Il jaillit de nulle part, créant l’émoi de la pièce. Des cris, des sursauts, des rires. Les yeux de Phoenix se décrochèrent de l’écran géant du cinéma pour observer un peu les visages des gens autour de lui. Le sien était livide, pâle comme l’eau d’un ruisseau prise à la source, limpide. Il scrutait les gens alentour, il y en avait des jeunes ! Ils devaient avoir à peine seize ans et déjà, ils allaient voir des films où boyaux côtoyaient fusil à pompe et machette. Son attention se reporta sur le film, se disant qu’il ignorerait les prochains conseils de Lee-Lou ! Elle l’avait envoyé au cinéma, lui assurant que ça serait chouette. Lui, il n’y allait quasiment jamais car il n’était pas un fervent admirateur de cet art. Et soudain, il réalisait pourquoi aller s’asseoir dans le noir devant un film d’épouvante ne le branchait pas tant que ça.

Sa main plongea dans le paquet de popcorn, mince satisfaction pour être là depuis une heure trente déjà. Soudain, alors que tous les spectateurs retenaient leur souffle pour savoir si le pauvre Brad Pitt allait se faire dévorer par des zombies ... le film s’interrompit. L’espace d’un instant, tout le monde crut à la pause, le moment où chacun irait refaire le plein de popcorn et passerait rapidement par les toilettes ! Une, deux, trois minutes. Toujours rien, ni personne. Plongé dans le noir le plus total, les spectateurs n’apercevaient que les ombres des autres individus assis, consternés. Peu à peu, tout le monde sortit son téléphone, le brandissant telle une arme en guise de lampe torche. Autant dire qu’à part quelques points lumineux, on n’apercevait pas grand-chose dans la salle. Un téméraire se leva et se dirigea vers la porte, sa voix porta aisément dans toute la pièce :

- C’est fermé !

Une vague de panique emporta la salle, chacun se mit à rassembler ses affaires. Dans la hâte, Phoenix se releva et se dirigea à son tour vers la sortie. Il n’avait pas envie de rester là tout seul, quelques personnes tentaient déjà de forcer la porte même si celle-ci, dotée d’un mécanisme électrique, ne semblait pas céder. Ils allaient sans doute devoir patienter un bon moment ! S’il s’agissait d’une panne électrique, il était vain de lutter contre la mécanique de la porte, autant tenter de défoncer le mur, ils auraient autant de chance d’y parvenir.

Le jeune homme se laissa retomber sur son siège, légèrement dépassé par les évènements. Lee-Lou n’allait pas le croire quand il allait tout lui expliquer ! Mais pour l’heure, ce qu’il retenait, c’est qu’il était coincé dans une salle de cinéma bloquée d’accès par une porte mécanique, plongée dans une obscurité totale et entouré d’individus discutant en anglais sur un ton paniqué qui ne facilitait pas la compréhension. Utilisant tout son potentiel auditif pour distinguer les syllabes de ses voisins de siège, Phoenix se leva et tenta de s’extirper de la rangée. Dans sa hâte, il écrasa ce qui devait vraisemblablement être un pied et se confondit en excuse :

- Oh, zut, pardonnez-moi ! Il fait trop noir ... on n’y voit rien, c’est incroyable !

Il posa les mains sur le siège de devant et trébucha, s’étalant cette fois de tout son long dans la rangée. Finalement, peut-être que le fait que tout le monde soit plongé dans le noir et que personne ne puisse le voir en cet instant précis était une bonne chose !