Davina Ruby Donovan

Raconte-moi ton histoire...

« Tu te rappelles comme la vie était simple quand on avait trois ans ? » La jeune Davina Ruby Donovan était sur le ventre, allongée sur son lit, les pieds en l'air alors que sa meilleure amie Alyana écrivait quelque chose dans son journal intime. Plus précisément, Aly y dessinait des personnages qui ressemblaient étrangement à Davina et elle en train de discuter. Alyana a toujours été très douée en matière de dessins. Davina ne cessait de la pousser à se lancer dans les beaux arts mais sa meilleure amie n'avait pas assez confiance en elle pour ça. « A qui le dis-tu ! Mais pourquoi tu me poses cette question ? » Répondit Aly en grimaçant. « Oh comme ça. Je me dis parfois que si certains événements de ma vie ne s'étaient pas déroulés de cette manière, je ne serais pas la même personne aujourd'hui. Et peut-être que nous ne serions pas amies toi et moi. » Alyana se mit à rire alors que Davina en profita pour lui lancer son oreiller sur la figure. Aly l'évita de justesse et tira la langue à la belle brune en guise de première réponse. Puis elle ajouta : « Arrête de te poser des questions. Pense plutôt à notre devoir de droit juridique que l'on rendre demain. C'est plus important que de ressasser le passé. » Depuis quelques temps, Davina Donovan ne faisait que ressasser le passé justement. Elle se posait tout un tas de questions sur ce que sa vie aurait pu être si son père n'avait pas ce choix de vivre en polygamie. Alyana sortit Davina de ses pensées pour lui demander : « D'ailleurs, en parlant de ce devoir, tu as répondu quoi à la question neuf ? » Mais cela ne suffit pas à Davina pour reprendre ses esprits. Aly dut à son tour lui lancer l'oreiller à la figure. Elle ne rata pas sa cible.  « Hey ! » « Réveille-toi ma vieille ! » En voyant sa meilleure amie dans cet état, Alyana posa son crayon de papier et se retourna pour faire face à Davina qui venait de se relever de son lit. « D'accord, qu'est-ce qui t'arrive ? C'est à cause de ton père que tu te poses toutes ces questions ? Je t'ai déjà dit mille fois que vous avez pris la bonne décision avec ta sœur. C'est un pourri, il n'a eu que ce qu'il méritait. » Ça n'empêcha pas Davina de grimacer. Il ne se passait pas un jour sans qu'elle ne revoit l'expression faciale de son père lorsque Savannah et elle, avaient fait ses valises. « Je sais bien, mais... » Alyana savait très bien ce que Davina sous-entendait à travers ce « mais ». Elle grimaça avant de prendre une longue inspiration. Mais Davina ajouta avant qu'Aly n'ait le temps d'ajouter quoi que ce soit. « Mais j'ai pris la bonne décision, n'est-ce pas. » Elle ne voulait plus parler de son père, mais plutôt d'un événement qui avait eu lieu deux ans plus tôt. Alyana savait parfaitement de quoi voulait parler sa meilleure amie. Les deux jeunes filles s'étaient promis de ne plus jamais en parler, mais elles ne pouvaient s'empêcher d'y penser. « Tu sais très bien ce que je pense de... » Alyana baissa la tête avant de reprendre : « De ça... Et ce qui s'est passé avec ton père n'a absolument rien à voir. » Davina se leva, se sentant obligée cette fois-ci d'en parler. « Je sais qu'on s'est promis de ne pas en parler... Et j'essaye de ne pas y penser mais c'est carrément impossible... Je suis toujours en train de me poser des questions sur le pourquoi du comment et ça me bouffe ! » Alyana ne releva pas tout de suite la tête. Cela lui était difficile d'en parler. Mais il allait bien falloir le faire. Après tout, elle devait épauler et aider sa meilleure amie dans cette épreuve plus qu'éprouvante. « Quel genre de questions ? » Davina fit face à sa meilleure amie, soulagée qu'elle veuille bien évoquer le sujet. « Je me demande si mon père n'avait pas été cet... Cet horrible père, et que si justement, il avait rempli son rôle de père, est-ce que ma décision aurait été la même ? Peut-être que c'est parce que j'ai peur de devenir comme lui et surtout de faire subir ça à mon enfant que j'ai décidé de le faire ? Non ? » Alyana releva enfin la tête et fixa sa meilleure amie du regard. « Ta décision n'a absolument rien à voir avec ton père. Il fallait le faire. Tu ne pouvais pas le garder. Sans emploi, sans appartement, sans argent, comment aurais-tu fait ? C'était impossible ! Et c'est sûrement pas l'autre néandertalien qui t'aurait aidé en quoi que ce soit. » « Shane n'était peut-être pas un ange, mais il aurait fait ce qu'il fallait. Si j'avais décidé de le faire, je veux dire... De garder notre enfant, il aurait assuré. » Alyana grimaça, certaine du contraire. Elle ne dit rien, ne voulant pas empirer les choses. La conversation était assez dramatique comme ça. « Peut-être que s'il avait su... » Alyana ne la laissa pas terminer sa phrase. « Arrête ! Tu as pris la bonne décision à point c'est tout. Quand le temps sera venu, tu seras une très bonne mère. C'était juste pas le moment, c'est tout... » Ruby s'assit sur le bout de son lit, se demandant ce qu'en penserait sa sœur Savannah. Depuis deux ans, Davina ne cessait d'imaginer la réaction de sa sœur si elle lui avouait qu'elle avait avorté. Mais c'est à peu près à ce moment là, lorsqu'elle se met à imaginer ces choses, qu'elle se rappelle également du jour où sa sœur à tout quitté, et là, Davina ne s'en veut plus du tout de cacher la vérité à Savannah. « Alors, cette question neuf ? » Alyana sortit une nouvelle fois Davina de ses pensées. Sa meilleure amie avait ce don de pouvoir changer de sujet quoi qu'il arrive. Miss Donovan resta tout de même songeuse. Elle fit mine de se plonger dans son devoir alors que son esprit vagabondait ailleurs...



« Dites-moi Ruby, pourquoi êtes-vous là si ce n'est pas pour parler ? » Ruby releva la tête, aucun sourire sur son visage. « C'est Davina et je ne suis pas là par choix. » La psychologue la regarda dans les yeux, prête à lui poser une autre question, mais Davina la devança. « Et comme vous allez me demander comment je suis arrivée jusqu'à vous, je vais tout de suite vous répondre que c'est pour ma mère que je le fais. Depuis l'accident, elle pense que ce serait bien pour moi de parler, de me confier à quelqu'un, sauf que je n'en pas du tout l'utilité. Mais je lui ai promis que je viendrai, alors me voilà. » « Très bien. Vous ne voulez donc pas parler de l'accident en question ? » Davina fut choquée par la réaction de la femme qui se trouvait en face d'elle. Comment pouvait-elle minimiser le fait que « l'accident en question » avait pris la vie de sa meilleure amie ?! Davina n'allait pas laisser passer ce qu'elle considérait comme un affront. « Comment osez-vous en parler de cette manière ?! On ne vous a donc pas appris le tact à la fac de psychologie ? Ou peut-être avez-vous sautez le chapitre où l'on vous apprend le respect ? L'accident en question a coûté la vie à ma meilleure amie ! Elle est morte vous comprenez ?! Mais non, vous n'avez pas l'air de saisir l'importance de la vie humaine ! » La psychologue ne cilla pas, elle avait entendu pire lors de ses multiplies rendez-vous. « Si vous cherchez à m'impressionner ou si vous vous attendez à ce que je vous mette dehors pour insubordination, vous vous êtes trompée de bureau. Nous ne sommes plus au lycée et je ne suis pas de celles qui se laissent impressionner par des mots. C'est donc à vous qu'il convient de partir si vous le souhaitez, ou de rester et de voir que la thérapie n'est pas seulement un jeu auquel se livrent certaines personnes. » Davina fit de son mieux pour ne pas montrer à quel point elle était agacée par l'attitude de la psychologue. « Maintenant que le cadre est posé, je peux vous dire que je ne minimise rien. Bien au contraire, je sais mieux que personne que perdre quelqu'un est une épreuve dont on ne se relève pas indemne. » Davina baissa la tête, même si elle prétendait le contraire, elle enfouissait ses sentiments depuis top longtemps maintenant, elle devait en parler. « Elle n'avait que vingt ans... J'aurais dû être avec elle ce jour-là... J'aurais dû la protéger... Au lieu de ça, j'ai préféré étudier. Elle ne jurait que par les études... Elle voulait devenir juge et elle y serait arrivée même si elle était bien meilleure en dessin. Mais elle réussissait toujours tout ce qu'elle entreprenait même si elle ne croyait pas en elle, pas comme moi je croyais en elle... » Des larmes coulèrent le long des joues de Davina. Cela faisait deux ans, deux longues années qu'elle gardait tout cela pour elle. « Je suis là pour vous Ruby. Je veux dire, Davina. » « Vous voulez savoir pourquoi je préfère qu'on m'appelle Davina plutôt que Ruby ? C'était son idée en fait. Elle a toujours dit que Davina faisait plus nom de scène que Ruby. J'ai alors dit à tout le monde que je préférais qu'on m'appelle Davina. Seule ma sœur et ma mère m'appellent encore Ruby. Mon père aussi... » « Comment s'appelait-elle ? Vous ne prononcez jamais son prénom ? Est-ce trop difficile pour vous ? » Ruby laissa libre cours à sa tristesse. Même si elle avait voulu s'arrêter, elle n'y serait pas arrivée.  « Je ne peux pas... C'est trop dur... Elle est partie et maintenant, je suis toute seule. Elle a toujours été là pour moi et maintenant... » « Vous croyez que si vous l'appelez par son prénom, cela rendra la chose réelle et qu'elle partira pour de bon c'est bien cela ? Mais ça n'arrivera jamais. Elle sera toujours près de vous, pour toujours. » « Alyana, elle s'appelait Alyana... » Davina prononça ce prénom pour la première fois depuis deux ans. Et l'effet fut immédiat, un torrent de larmes se fit connaître. Dans un sanglot, la jeune femme ajouta : « Je n'ai plus de raison de continuer... Le droit, c'est fini pour moi... Sans elle, ça n'a plus aucun sens... » Mais ce que ne disait pas Davina, c'est que le divorce de ses parents l'avaient anéantie et que c'était à partir de là que l'idée d'arrêter la faculté avait germé dans son esprit. Sans Alyana, elle n'avait plus la force d'aller plus loin.
La discussion continua sur le fait qu'Alyana serait toujours présente et qu'arrêter ses études n'arrangerait rien au fait qu'elle était partie. Mais la décision de Davina était prise. Elle l'avait prise il y a déjà quelques mois. Elle préférait de loin traîner dans les bars pour chanter, plutôt que de perdre son temps à la fac de droits.

Un événement marquant de ma vie...

On peut dire que ma vie est loin d'être un vieux fleuve tranquille. Vous voulez un événement marquant ? Vous n'avez qu'à choisir... Il y a eu mon pourri de père qui s'est offert le luxe d'avoir plusieurs familles, j'ai donc des demi-frères et des demi-sœurs que je ne connais pas du tout. Mais cet énergumène ne s'est pas arrêté là. Il a su y faire avec ma famille... On lui a toutes pardonné d'être allé voir ailleurs mais il en a joué. Ce pourri est bien là où il est, hors de nos vies ! Ensuite, il y a eu la chose, mais j'évite d'en parler, c'est trop difficile... Et puis il y eu Alyana... Vous n'avez donc plus qu'à opter pour ce que vous voulez... Si j'étais vous je choisirais l'option « pourriture de père », parce que je n'ai ni le cœur à parler de la chose, ni la force de citer ma meilleure amie. On va finalement partir sur le père narcissique et dédaigneux. Par où commencer ? Par le fait que ce néandertalien n'a pas eu le cran de nous avouer la vérité sur sa double vie peut-être ? Car le pire dans l'histoire, ce n'est pas le fait qu'il nous l'ait caché, loin de là. Ma sœur ne serait peut-être pas d'accord avec moi mais je trouve que le pire dans tout cela, c'est la façon dont nous avons appris qu'il nous trahissait. Il pensait probablement que son secret ne serait jamais découvert, c'était sans compter sur ses deux filles (précisons lesquelles, Savannah et moi-même) qui sont allées faire leurs courses dans la ville voisine. Je n'avais que dix ans mais le choc fut aussi violent que si j'en avais eu quinze. Le même jour, j'ai appris que mon père n'était pas seulement le papa de deux filles, mais qu'il avait bel et bien d'autres enfants et pire que tout : une autre femme. On croyait avoir tout vu mais on se trompait. Quelques jours plus tard, il a fini par avouer qu'il n'avait pas deux mais trois familles ! Dieu seul savait combien d'enfants il nous cachait encore ! Avec ma sœur, on a pris sur nous. Pour notre mère. Je n'avais que dix ans, je ne pouvais pas non plus faire grand chose malheureusement. Le plus tragique, c'est qu'il s'est joué de nous. Il en a profité au maximum, comment suis-je censée pardonner aujourd'hui à un homme qui s'est ainsi ri de moi ? C'est tout bonnement impossible. Je ne veux plus faire d'efforts. Le pire serait que je lui pardonne encore une fois et qu'il en profite, une seconde fois... Je ne me relèverais pas. Ma sœur a préféré partir suite au divorce de mes parents. J'ai été obligée de rester, pour ma mère. C'est la vie. Mais Savannah aurait dû savoir que me laisser toute seule avec maman ne me ferait pas du bien.
Comment fuir une réalité qu'on déteste ? Ma sœur avait le bon rôle. La vie est ce qu'elle est, c'est comme ça. Mais quitte à recommencer quelque chose, je crierais à Savannah de rester pour m'aider, pour m'épauler face à cette terrible épreuve. J'ai dû y faire face seule alors que nous étions deux. Mais on ne change pas son passé, on peut que le ressasser. Et croyez-moi, je ne fais que cela depuis plus de dix ans.