La douceur de ses lèvres sur sa joue, le doux parfum floral qu'il lui connaissait depuis des années, la tendresse dans sa voix... Comme chaque matin, madame Collins venait réveiller son fils afin qu'il se prépare à aller en cours. Camden avait beau avoir dix-neuf ans, elle le traitait toujours comme un enfant, ce qui ne l'aidait pas franchement à évoluer et à devenir l'homme qu'il était déjà censé être. Le garçon aimait que sa mère le couve, il y était habitué, et ce comportement surprotecteur le rassurait, il se sentait comme dans un cocon, il était protégé et rassuré, il savait que chez lui, rien ne lui arriverait parce qu'on veillait sur lui, qu'on l'aimait plus que tout. Assise sur le rebord de son lit, sa mère le regardait se réveiller tranquillement, avant qu'il lui tende les bras pour le rituel du gros câlin matinal. A présent, il pouvait commencer sa journée avec le plein d'amour dont il aurait besoin pour supporter ce qui l'attendait à l'université, à savoir de l'indifférence, des moqueries, voire même de la méchanceté. S'il avait su en venant à Pearl Trees qu'il serait accueilli de la sorte, il aurait peut-être fait un choix différent, il aurait trouvé un moyen de protéger Scarlett tout en restant à Boston, une grande ville dans laquelle la différence était reine, dans laquelle on ne regardait pas de travers si ne rentrait pas dans les normes. Comme à son habitude, Camden mit trop longtemps à sortir du lit, et comme d'habitude, il lui fallut courir la quelque centaine de mètres le séparant de l'arrêt de bus à toute vitesse afin de ne pas rater le car. Comme toujours, les moqueries allèrent bon train alors qu'il avançait timidement dans l'allée centrale à la recherche d'une place libre. Il avait beau être discret, ne rien demander à personne et avancer tête baissée dans les couloirs, tout le monde le connaissait, il était ce petit geek venu d'ailleurs qui ressemblait à un gamin de douze ans, et à y regarder de près, il était évident qu'il n'avait rien de ces garçons du coin, ni même de ces mecs populaires qui peuplaient les équipes sportives de l'université. Il était à part, dans son monde, comme s'il vivait sur une planète différente de la leur, comme s'ils n'accordaient pas la même importance aux choses, ils n'avaient pas les mêmes valeurs ni les mêmes attentes. Pour l'instant, Camden avait simplement envie de réussir son devoir d'anatomie. Son bouquin sur les genoux, il révisait encore et encore, espérant obtenir une excellente note et ne pas ternir sa moyenne qui avoisinait la perfection.

Après une bonne heure de trajet, le jeune homme descendit du bus, leva la tête vers le parc et aperçut la bande des footballeurs plus loin. Poussant un soupir, il avança tête baissée, son livre sous le bras, le plus vite possible. Avec un peu de chance, ils seraient trop pris dans leur conversation et ne remarqueraient pas sa présence, peut-être que cette fois, ils n'auraient pas envie de le ridiculiser, oui, peut-être qu'aujourd'hui, il allait avoir une journée tranquille, il allait pouvoir vivre sa v... Pas le temps d'espérer trop longtemps, une main envoya valser son bouquin quelques mètres plus loin, puis posa les yeux sur l'intitulé du manuel. "Anatomie hein... Comment tu vas faire toi, la seule que t'as vu, c'était celle de ta mère il y a quoi... Dix ans ?" Toute la bande riait aux éclats derrière tandis que Camden se penchait pour ramasser ce qui lui appartenait. Très vite, le jeune homme se retrouva encerclé, il regarda à gauche, à droite, il n'avait aucune issu. Il allait se faire passer à tabac, arriver en retard, se faire recaler et voir sa moyenne chuter. Il allait rentrer chez lui plus bas que terre, ou pire, si jamais il était tellement amoché qu'on devait appeler le Samu ? Sa mère ne s'en remettrait pas... "Laissez-moi passer." Se rebella-t-il timidement. Evidemment, sa tentative d'autorité n'eut absolument pas l'effet escompté... Alors il baissa les bras, ferma les yeux. Si sentence il devait y avoir, autant qu'elle soit rapide, au moins aurait-il éventuellement le temps de regagner sa classe à l'heure.

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