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Alexander & Esteban - There's no coming back.

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MessageSujet: Alexander & Esteban - There's no coming back. Alexander & Esteban - There's no coming back.  EmptyDim 13 Oct - 15:42


There's no coming back

Alexander & Esteban

La nuit tombait sur la ville. Elle emportait avec elle toutes les bonnes résolutions qui rythmaient ma journée. Ce matin, comme tous les matins depuis des mois, j'avais roulé jusqu'à la faculté et j'avais assisté à mes cours. Il y avait quelque chose de fascinant dans la manière dont fonctionnait le système scolaire, cruel reflet de la société. On s'asseyait des heures, le regard dans le vide la plupart du temps, quand il n'était pas absorbé par autre chose. Personne ne s'intéressait vraiment à ce qui se jouait dans ses pièces. Personne ne portait vraiment d'attention à ce pantin qui gesticulait, tentant de nous faire parvenir à une excellence qu'il n'avait jamais pu atteindre lui-même. Je retenais mes soupirs, je souriais à ma voisine de table, à l'allure parfaite mais qui semblait réticente à tout contact physique qui dépassait les bons mœurs du XVIIe siècle. Ça avait quelque chose de plus déprimant encore que le fonctionnement de l'ONU. Je pensais à la soirée qui m'attendait, une fois que ce calvaire aurait pris fin dans un ultime soupir, de soulagement celui-ci. La journée était passée, elle laissait le soleil se coucher et la lumière qui inondait mon esprit s'éteignait avec lui. La pénombre s'emparait alors du monde, comme elle s'emparait de mon corps, je me laissais à nouveau porté par mes vieux démons. Si le monde réel me paraissait à présent d'une valeur exquise, rien ne me retenait spécialement à lui. Je mélangeais mes deux mondes comme on mélange de l'huile et de l'eau. Ce soir, je plongerai à nouveau dans les recoins de mes rêves échoués, j'oublierai sans doute ma guérison en cours, mes cours à l'université, mon avenir de cadre bien rangé. J'étais à nouveau celui qu'il me semblait avoir toujours été : un être perdu, désœuvré face à la multiplication des ennuis qu'apportait le nombre des années.

Je rentrais donc chez moi, à la fois terriblement usé de ma journée et affreusement heureux de pouvoir laisser cette vie derrière moi. J'appréciais le vent qui soufflait sur mon visage avec la conscience de la réalité que je n'allais pas tarder à perdre. Je me demandais qui j'allais bien pouvoir solliciter, ou si je voulais me laisser porter par ma solitude, une nouvelle fois. Il y avait cela de vicieux avec la drogue, on ne se sentait jamais seuls. Même si je me rendais à cette soirée seul, j'aurais toujours l'impression d'avoir des tas d'amis et des tas de regards bienveillants se poseraient sur moi. Je filais dans ma salle de bain, me plantais devant le miroir et observais mon visage. J'avais perdu pas mal de poids, mes joues s'étaient creusés. J'étais bien différent de l'adolescent pré-pubère qui se cachait sous des jeans difformes et des t-shirts XXXL. J'étais grassouillet, personne ne m'aimait beaucoup. Si la drogue m'avait ouvert les portes du bien-être intérieur, de l'oubli des horreurs de l'existence, elle m'avait aussi permis de devenir quelqu'un de bien, d'après la société : j'étais beaucoup plus beau à leurs yeux car je répondais à leurs critères, j'étais beaucoup plus intelligent aussi, parce que pour moi, il ne s'agissait que de termes extrêmement liés. Et tout le monde se fichait que je n'avais aucun avenir, car j'étais beau. Soudain, l'enfer de la drogue me revint en pleine face. Si eux ne le voyaient pas, je savais que ces substances vous plongeait dans une sorte de léthargie sordide, où vous n'aviez plus goût à rien. Vous ne vous souveniez ni de la satisfaction du travail accomplie, ni de la puissance de l'amour d'un ami sincère, ni la saveur des petits bonheurs du quotidien, des petits hasards heureux. Je me ramenais donc à la raison, j'allais faire durer la lumière dans l'obscurité.

Je décidais de prendre mon manteau, ma clope et ma solitude sous le bras et de partir au pub de Pearl Trees. Au moins, là-bas, j'étais sur de ne pas être embêté par un quelconque dealer ou un quelconque drogué. Enfin, je l’espérais. Lorsque je passais la porte de ce fameux, il est était anormalement bondé, quelque jouait de la guitare sur la petite scène et semblait capter l'attention de toute l'assemblée. Il était vrai que c'était plutôt réussi, je me laissais porter par la mélodie, un verre à la main. Ça me parlait, ça m'emportait dans un monde étranger, une troisième dimension, au croisement du monde réel et de celui d'en haut. J'essayais de m'approcher, jouant des coudes à travers la foule qui s'était peu à peu constituée en un mur infranchissable. Je connaissais ce garçon, on se défonçait ensemble il y a quelques années. Il avait l'air plutôt heureux de vivre, heureux d'être là pour partager sa sensibilité de la musique. J'avais vécu avec lui des moments forts, mais c'était comme si nous ne nous étions jamais vraiment connus. Il m'était à la fois tendrement familier et totalement inconnu. Je trouvais ça triste, de ne pas apprendre à connaître les gens avec qui l'on vivait des instants si intenses.

Mais soudain, quelqu'un me tira violemment par la manche, laissant ainsi s'écraser par terre mon verre. J'essayais de me débattre souhaitant que cet homme impoli me lâche enfin, mais que j'aperçus les traits de son visage, je me ravisais. La froideur de ce regard ne m'était inconnu, et quelques fâcheux souvenirs me revinrent en tête. Je devais un sacré paquet d'argent à son gang, comme on l'appelait dans le milieu, et je savais bien qu'il ne reculerait devant rien jusqu'à ce que je poser le fric sur la table. Sans le vouloir, j'étais prisonnier de ce monde, j'étais prisonnier d'un moi-même que j'avais pourtant violemment souhaité laisser derrière moi. Je me laissais entraîné vers l'extérieur sans d'avantage de cérémonie et priais pour ne pas avoir trop attiré l'attention. Ils me jetèrent à l'extérieur du pub, par la porte de secours qui donnait sur une petite ruelle. Je me pris deux poings en pleine figure, sans avoir le temps et la possibilité de répliquer, mais mon sang irriguait mon cerveau beaucoup plus intensément que d'ordinaire. Je mourrais d'envie de leur sauter à la gorge mais mon état m'en empêchait. Ils avaient réussi. J'étais tellement démuni physiquement que je n'avais pas la force de protester. Quand ils en eurent fini avec moi, satisfaits de l'effet que leurs menaces semblaient avoir eu sur moi, il rebroussèrent chemin, me promettant une nouvelle visite si je ne me pliais pas à leurs exigences.

C'est alors que j'aperçus Alexander, mon ancien pote de défonce désormais guitariste qui s'avançait vers moi. Je n'avais aucune envie de supporter la pitié qu'il allait avoir dans les yeux en me voyant, je n'avais aucune envie de prendre la main qu'il me tendrait peut-être, au propre ou au figuré. Cette position de faiblesse insupportable me donnait envie de m'enfoncer dans le sol et de disparaître. « C'est bon, tu peux circuler, y'a rien à voir. » dis-je sèchement. Je n'avais besoin de personne. J'étais bien tout seul. Je n'avais pas besoin d'aide.

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