La soirée n'aurait pas dû se passer comme ça. Comme presque chaque soir depuis un bon moment, j'ai donné un concert dans un bar bien fréquenté. Mes chansons terminées, je me suis réfugiée au bar pour y prendre ma commission. J'avais hâte de rentrer chez moi, pour une fois. Je savais que ma mère me poserait tout un tas de questions du genre "Où tu étais ?" "Que faisais-tu dehors à une heure aussi tardive ?!" Et comme d'habitude, je lui répondrais que j'étais avec une amie et elle ferait semblant de me croire. Elle se faisait du souci pour moi, ne me voyant pas beaucoup réviser mes cours de droit. Mais je ne lui avais encore pas dit que le droit était fini pour moi et que je vivais désormais pour ma passion : la chanson. Elle n'était pas prête à l'entendre. Tout comme ma soeur, je ne pouvais pas leur avouer maintenant.
Le concert terminé, je me suis donc dirigée vers le bar. Le patron m'a donné ce que je venais de gagner en espèces et nous programmâmes une autre prestation pour la semaine suivante. J'étais contente qu'il apprécie à ce point mes chansons. Puis je me suis mise à imaginer Kyllian parmi la foule. Foule qui ne se résumait qu'à une infimité de personnes mais que j'étais bien contente de rencontrer chaque soir. Kyllian parmi eux, le sourire aux lèvres, aurait pu m'acclamer et m'encourager pour la suite. Puis je me suis rappelé que ça ne serait probablement jamais le cas après ce qui c'était passé lors de notre dernière rencontre. C'est là que l'alcool fut nécessaire. J'ai commencé par en boire un verre, puis un autre, puis encore un autre et comme la plupart du temps, je les ai enchaînés... Lorsque j'ai quitté le bar, je pouvais à peine marcher. Je me souviens vaguement d'un mec qui voulait me raccompagner et que j'ai envoyé balader. Heureusement pour moi, il m'a laissée tranquille alors que je tentais tant bien que mal de rejoindre mon chez moi. Mais ce n'était pas facile avec la dose d'alcool que je venais d'ingurgiter. Lorsqu'il me fallut traverser la route, je n'ai pas regardé la couleur du feu des piétons, je me suis engagée sur la voix. La noirceur de la nuit a conduit une voiture droit sur moi. Elle a freiné juste au moment où elle frôlait ma hanche. J'ai été emmenée à l'hôpital et j'ai été prise en charge par les urgences. J'ai entendu du personnel soignant dire qu'ils appelleraient mademoiselle Maden, je n'ai pas compris qu'il s'agissait de ma meilleure amie sur le coup.
Il ne fallut pas longtemps à Nayana pour faire irruption dans ma chambre. Même ivre, je savais que j'allais avoir droit au sermon. Sa remarque me fit sourire, même si j'attendais qu'elle en place une autre au sujet de mon taux d'alcoolémie. "Tu me connais, il faut toujours que j'attire l'attention." Lui répondis-je en m'efforçant de ne pas trop sourire car ma tête me faisait énormément souffrir. "T'aurais pas dû venir, t'aurais dû rester chez toi, je vais bien." Ajoutais-je pour la rassurer. Mais même avec cela, je savais que le sermon ne se ferait pas attendre...

Je savais que tôt ou tard, et plutôt tôt que tard connaissant Nayana, le sermon arriverait. Je savais qu'elle glisserait dans la conversation le fait que je n'aurais pas dû boire ou en tout cas pas autant. Je savais qu'elle avait raison mais je ne voulais pas l'entendre, pas ce soir... J'avais bien trop mal à divers endroits du corps pour me battre encore oralement contre ma meilleure amie. Mais j'attendais malgré tout, la critique qu'elle allait me faire. Elle ne se fit pas prier et je fis de mon mieux pour ne pas lui crier dessus. Je n'étais pas d'humeur à me disputer avec qui que ce soit, et surtout pas avec elle. Elle était venir ici alors qu'elle aurait très bien pu rester au chaud sous sa couette. Elle en a décidé autrement et je ne peux que l'en remercier. J'ai souri à sa réponse, n'y ajoutant rien. "T'aurais très bien pu rester sous ta couette, après tout je suis sous la mienne." Rétorquais-je en m'efforçant de lui sourire une fois encore. Comme je l'ai déjà dit, je ne voulais pas me battre, pas ce soir et même jamais. Mais sa remarque suivante eut le don de m'énerver, chose que je n'aurais jamais dû faire. Mes côtés me faisaient souffrir le martyre, tout comme ma tête. C'était comme si quelque chose tapait à l'intérieur de moi, pour en faire vibrer toutes mes cellules. Je détestais cette sensation et je ne voulais plus jamais avoir à la ressentir. J'ai soupiré avant de répliquer : "N'importe quoi ! Tu n'auras jamais à faire ça !" Je savais au fond de moi, qu'elle avait raison. Mais jamais je ne l'aurais avoué à haute voix et jamais je ne me le serais avoué tout court. "Il aurait dû s'arrêter, c'était de sa faute ! Alors c'est lui qui a de la chance que je n'engage pas de poursuites contre lui !" J'y allais fort. Je savais que j'avais tort mais je ne voulais surtout pas donner raison à Nayana. J'étais bien trop fière pour ça ! "Et si t'es venue pour m'engueuler, tu peux retourner te coucher !" Et voilà, j'ai fini par crier. Je m'en voulais pour ça. "Excuse-moi..." Repris-je en baissant la tête. Chose que je n'aurais pas dû faire du fait que les douleurs s'intensifièrent une fois la tête en bas.

Je ne voulais pas me disputer avec ma meilleure amie. J'avais bien trop mal partout pour poursuivre une dispute aussi stupide. Et puis, elle était venue, c'était le principal, elle aurait très bien pu rester chez elle, se disant que ce ne serait pas la dernière fois qu'il m'arriverait une chose dans le genre. Mais elle ne l'avait pas fait et je l'en remercierai plus tard pour cela. J'ai fait un effort pour sourire à sa blague, m'abstenant néanmoins de lui répondre qu'une place était libre sous ma couette. Si je ne m'étais pas énervée, c'est ce que je lui aurais répondu. Alors que je croyais que la hache était enterrée, Nayana poursuivit en m'accusant de mon irresponsabilité. Je ne pouvais pas la laisser faire. « C'est ça ! Tu préfères défendre un inconnu plutôt que ta meilleure amie ! Bravo ! » J'allais loin, car je savais très bien que j'étais en tort dans cette histoire, mais je ne voulais pas lui donner raison. Je me suis néanmoins excusée. Elle me pardonna et renchérit en parlant de la gente masculine de l'hôpital. Je retrouvais ma meilleure amie et ça me faisait plaisir. En souriant, j'ai répliqué : « Pas mal. L'infirmier surtout, il est super canon alors pas touche ! » Mais personne ne pourrait atteindre mon cœur comme l'avait fait Kyllian. Il serait toujours le seul et l'unique, malgré notre situation compliquée...