Voilà, le grand jour est arrivé et c’est tout excité que je me prépare et me pare de ce costume sur lequel j’ai longtemps tergiversé. Lequel choisir ? Lequel prendre pour étonner et aller où l’on ne m’attend pas ? Finalement, cela fait des semaines déjà que je l’avais trouvé, qu’il était prêt dans mon armoire, n’attendant que ce jour pour être arboré. Tous les ans, cette je l’attends avec impatience, j’aime ce principe que le temps d’une soirée, on ne sache pas qui est qui, qu’on puisse se lâcher, sans pression. J’aime jouer à deviner qui se cache sous tel ou tel déguisement et surtout, tromper les autres pour que l’on ne me dévoile pas. Cette soirée pour fêter le printemps casse la routine de cette petite bourgade qu’est Pearl Trees, alors autant faire cela en grand. Et puis chaque année est un défi, il faut savoir se renouveler et faire mieux que l’année précédente, un véritable casse-tête, mais que l’on prend plaisir a résoudre. En tout cas, moi j’adore ça, alors impossible de rater LA fête de l’année. Moi cette soirée m’éclate, et j’aime jouer le jeu à fond, même les personnes qui me sont le plus proche ne savent pas quel sera mon costume, c’est d’autant plus amusant de les tromper eux, de voir à quel point ils vous connaissent et s’ils seront capables de vous reconnaitre. Un chapeau melon vissé sur la tête, un élégant smoking tiré tout droit du début du vingtième siècle, une belle paire de derbys bicolores achetés spécialement pour l’occasion, une canne accrochée à mon poignet gauche, une petite moustache collée au-dessus de ma lèvre supérieure, me voilà parfait en Charlie Chaplin. Puisque ce déguisement n’a pas de masque, j’ai ajouté en touche personnelle, un loup, masquant ainsi mon regard. Tout est parfait, je peux y aller. Et c’est avec la démarche atypique que l’on connait à ce grand Monsieur du cinéma muet que j’arrive, saluant chaque personne rencontrée, d’une légère révérence polie. À fond dans mon personnage, je ne prononce jusque-là, aucun mot.

C’est vraiment marrant de voir toutes ces personnes déguisées et de tenter de deviner qui se cache en dessous. Parler avec des gens sans même savoir si l’on les connait ou non. En tout cas, moi, j’adore cette fête, tous les ans c’est pareil et ça m’amuse. J’ai beau grandir, je crois que je ne me lasserais jamais de la fête du printemps. Bref, je me fonds dans la masse, joue mon rôle et finalement rompt le silence quand un charmant petit chaperon rouge m’adresse la parole. Oui bon, le personnage faisait partie du cinéma muet, mais l’acteur lui, ne l’était pas, et je ne vais quand même pas passer toute ma soirée sans décrocher un mot, ça risquerait d’être très vite fatiguant. « Merci mademoiselle. Je vous retourne le compliment, votre histoire est tout à fait passionnante. J’imagine que vous préférez la version édulcorée à la version originale ? » Question débile je sais bien, mais bon, c’est histoire de faire la conversation.

C’est juste à ce moment-là, qu’une autre personne s’approche de nous et nous salue. « Monsieur le Président. » Je fais une légère révérence en marque de respect, ôtant également mon couvre-chef pour se faire. En me redressant, je reste émerveillé par ce choix de costume, très bien réalisé, je dois admettre. « Permettez-moi, vous avez fait un excellent choix. » Puis mon regard se trouve être emporté au loin, une personne passe derrière le Président Lincoln et son costume de Yankee ne passe pas inaperçu. Je la suis des yeux sans le vouloir.