It's everything you wanted, it's everything you don't. It's one door swinging open and one door swinging close. ⊹ Vendredi soir. C’était une journée comme toutes les autres. Du moins, c’est ce que Jackie avait cru en se réveillant, prête pour attaquer sa routine quotidienne. Et elle avait eu bien raison car pour l’instant, rien n’était sorti de l’ordinaire, tout s’était passé comme tout se passait chaque jour, en fait, sa journée avait été identique à celle de la veille, tellement que cela avait tendance à l’ennuyer. Mais sa supérieure étant occupée, Jackie en avait profité pour filer en douce et quitter l’hôpital un peu plus tôt que prévu, sans abuser histoire de ne pas se faire prendre, mais suffisamment pour éviter d’avoir à supporter la mauvaise humeur de fins de semaines de cette dernière. Un sourire aux lèvres, Jackie démarra sa vieille voiture d’occasion sans le moindre regret, après tout elle était maintenant en week-end, cela suffisait amplement à balayer tous ses petits tracas quotidiens. Oui, Jackie était de bonne humeur ce qui après tout ne changeait pas d’habituellement, ce n’était donc pas étonnant qu’elle se mette à chanter par-dessus la chanson que diffusait son autoradio jusqu’à arriver à la salle de sport où elle était bien décidée à se dépenser comme elle le faisait plusieurs fois par semaine. En effet, quelques heures de sport étaient la solution miracle qui réussissait à l’apaiser en se débarrassant de son trop plein d’énergie.

De nombreux visages lui étaient familiers et elle salua les quelques personnes avec qui il lui arrivait de passer quelques minutes à discuter ou à blaguer entre deux activités, mais l’endroit était aujourd’hui plus fréquenté que les autres soirs de la semaine et l’idée de revenir le lendemain traversa l’esprit de Jackie qui n’était pas certaine d’avoir envie d’être entourée d’autant de personnes. Mais maintenant qu’elle était là, il était évident qu’elle ne comptait pas repartir alors après avoir soupiré légèrement, la brune se dirigea vers les vestiaires pour se changer et déposer ses affaires dans un casier avant de rejoindre la salle de sport, ses écouteurs dans les oreilles et ses cheveux attachés en une longue queue de cheval. Un des vélos était libre et Jackie en profita pour se l’approprier pour la prochaine demi-heure au moins et pendant qu’elle pédalait avec énergie, elle en profitait également pour envoyer des SMS à ses contacts afin de rendre l’activité un peu plus amusante qu’elle n’en avait l’air. De temps en temps, elle levait les yeux de son écran pour regarder son conteur, ou pour balayer la salle du regard afin de voir les nouvelles têtes qui venaient d’arriver. Parfois elle souriait, parfois elle riait discrètement suivant les messages qu’elle recevait et quand sa batterie commença à se vider considérablement, Jackie décida de se lever enfin, plutôt essoufflée, et après avoir constaté avec regret que toutes les autres machines étaient prises, et vu l’heure tardive, elle se résolut à quitter la salle non sans lancer un petit clin d’œil en souriant au jeune homme assez mignon qui soulevait des poids un peu plus loin. S’il n’avait pas semblé aussi occupé, elle lui aurait volontiers laissé son numéro de portable. Une autre fois, pensa-t-elle. Et alors que Jackie était presque arrivée devant l’ascenseur, elle accéléra le pas et eut le temps de s’y glisser juste avant que les portes ne se referment sur elle.

« Bonsoir. » Lança-t-elle poliment, sans vraiment faire attention à la personne qui se trouvait déjà dans l’ascenseur. Elle appuya sur le bouton de son étage et envoya un dernier sms avant que son téléphone ne s’éteigne, à court de batterie. Fuck. Murmura-t-elle pour elle-même avant d’appuyer nerveusement une nouvelle fois sur le bouton déjà allumée, croyant naïvement que cela suffirait à aller plus vite. Elle en avait presque oublié qu’elle n’était pas seule, tout comme elle en avait presque oublié que son comportement n’était peut-être pas très approprié. Aussi, elle leva les yeux en souriant vers la personne à côté d’elle, histoire de s’excuser, et quand son regard croisa celui du jeune homme, le choc fut si grand que son portable glissa de sa main pour tomber bruyamment sur le sol, tandis qu’elle commençait à cligner plusieurs fois des yeux pour s’assurer qu’elle n’était pas en train de rêver. Que c’était bien lui qui se trouvait en face d’elle.

Elle aurait juré que son cœur venait de rater un bond.

It's everything you wanted, it's everything you don't. It's one door swinging open and one door swinging close. ⊹ Elle ne savait pas exactement depuis combien de temps, elle n’avait plus vu son visage. Trois mois ? 11 mois ? Non, beaucoup plus, tellement que cette période lui avait parue être une éternité. Jackie avait fini par s’habituer à son absence, elle avait fini par se convaincre qu’il avait disparu, qu’il ne reviendrait jamais, et parfois elle en venait même à se demander s’il avait vraiment existé. Mais rapidement, elle se retrouvait face à la réalité : Oui, il avait existé. Oui, il lui avait brisé le cœur. Mais pas que le cœur, il l’avait entièrement brisée en fait car d’une certaine façon, si elle était ce qu’elle était aujourd’hui, c’était entièrement sa faute. Elle était certaine que jamais elle ne pourrait lui pardonner de l’avoir abandonnée de cette façon et pourtant, cela ne l’avait pas empêché de se souvenir parfaitement de son visage qu’elle n’avait jamais oublié, ou bien de simplement penser à lui, bien qu’au fond, elle était parfaitement consciente qu’elle ne devait pas.
Elle ne l’avait jamais oublié. Et il était là, devant elle. Il venait de réapparaître, simplement.
Jackie ne savait pas exactement comment réagir. Lui crier dessus et prétendre qu’il ne lui avait pas manqué ? Jouer les indifférentes ? Au fond, elle avait une infinité d’options mais aucune d’elles ne lui paraissaient appropriée, juste. Cependant, elle n’avait pas eu à réfléchir davantage puisque c’était lui qui se décida enfin à briser le silence.
- Salut Jackie.
Il prononça naturellement ces deux mots comme s’ils ne s’étaient jamais quittés, comme s’il n’avait pas agi comme le plus gros enfoiré du monde alors que Jackie restait là, sans rien faire, sans rien dire, en fait, elle était tellement sous le choc pour l’instant que même si elle avait eu envie de dire quoique ce soir, elle n’était pas certaine que ses cordes vocales auraient suivi. Et de toute façon, Jackie était maintenant beaucoup trop occupée à se convaincre que l’ignorer serait la meilleure des solutions. Elle en avait vécu assez, elle ne voulait plus replonger dans ce cercle infernal dans lequel il l’avait jeté en partant, et en l’oubliant. Elle resta alors silencieuse, jusqu’au moment où il se baissa pour ramasser son portable dont elle avait déjà oublié l’existence et qu’il lui tendit. « Merci. » Répondit-elle simplement en reprenant l’appareil qu’elle glissa dans sa poche tout en s’adossant contre le fond de l’ascenseur. Jackie allait simplement attendre le temps d’arriver à son étage, puis avec un peu de chance, elle n’aurait plus à le croiser.
Et visiblement, le destin venait de décider que la jeune femme avait passé une trop bonne journée et que peut-être, il était temps maintenant de lui gâcher un peu la soirée. L’ascenseur fit un bruit qui ne lui plaisait guère avant de se stopper. Et on n’avait pas besoin d’être un génie pour comprendre qu’il n’était pas arrivé à destination, non, il venait de tomber en panne ce qui eut pour effet de désespérer Jackie au plus haut point. Elle soupira, tentant de voir le bon côté des choses mais c’était définitif : il n’y en avait aucun.
- Je ... je vais tenter d’appeler le dépanneur. Déclara-t-il alors que Jackie avait pris soin de bien éviter son regard, restant concentrée sur la contemplation de ses ongles. Qu’elle pouvait paraitre superficielle comme ça ! Mais si jusqu’ici Jackie avait décidé de ne rien dire, il lui était tout simplement impossible de rester silencieuse davantage. Si bien qu’elle répondit alors, d’un ton plutôt sec, il fallait l’avouer : « Oui, tente d’appeler le dépanneur comme tu as si bien tenté de m’appeler. Si t’es aussi efficace on est encore là dans deux semaines, hein. » Elle sourit, ironiquement bien évidemment et se décala machinalement quand lui se rapprocha afin de toucher aux boutons qui commandaient l’ascenseur. Ce serait mentir de dire que Jackie n’en avait pas profité pour se perdre quelques secondes dans la contemplation de Travis. Quelque chose chez lui avait changé mais elle peinait à trouver quoi. Etrangement, il avait l’air plus dur, son regard était plus sombre, peut-être que ce changement avait un rapport avec sa soudaine disparition ? Au fond, elle mourait d'envie de savoir ce qui lui était arrivé. Car elle était certaine que le Travis qu’elle avait connu, son Travis, ne l’aurait jamais abandonné sans raisons.
Mais quand il se retourna afin de reprendre sa place, Jackie reprit un air neutre, et leva même les yeux au ciel, l’air de dire « je te l’avais dit, tu sers à rien. ». Elle était à nouveau prête à rester muette jusqu’à ce qu’ils puissent sortir d’ici, mais Travis semblait en avoir décidé autrement. A sa dernière question, elle leva enfin les yeux vers lui pour la première fois et se contenta de répondre un simple mensonge : « Oui, Travis, je te déteste ! » Et Jackie prit soudainement conscience qu’elle en avait marre de prétendre que tout allait bien, alors que c’était loin d’être le cas, ne méritait-elle pas au moins des explications ? « Mais t’était passé où ? Et depuis quand t’es revenu ? » Elle ne s’en était pas rendue compte mais elle venait d’hausser considérablement la voix. Tant mieux. Peut-être se rendrait-il compte de cette façon à quel point il l’avait blessée, à quel point il l’avait brisée.