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(Alex & London) S'il suffisait de tendre la main comme on tend l'oreille.

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Heaven E. Carlton


Heaven E. Carlton

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MessageSujet: (Alex & London) S'il suffisait de tendre la main comme on tend l'oreille. (Alex & London) S'il suffisait de tendre la main comme on tend l'oreille. EmptyVen 4 Oct - 17:09

Alex & London
"S'il suffisait de tendre la main comme on tend l'oreille.", Eugène Guillevic
La nuit commençait à tomber sur Pearl Trees, les espaces verts si attrayants devenaient doucement des terrains dangereux dans lesquels on ne s'aventurait pas... Les rues étaient de plus en plus désertes et les allées du parc sonnaient le glas. Personne à l'horizon, pas la moindre silhouette dans la pénombre, pas le moindre bruit, seulement le silence -et quelques miaulements de chats enragés -. Si certains ne s'aventuraient pas seuls dehors, paniqués à l'idée de tomber sur un détraqué - (ce sont eux les détraqués qui regardent trop la télé), London s'y sentait bien. Il avait l'habitude de toute façon. Depuis bientôt 5 ans, il passait la plupart de ses soirées à zoner, non pas parce qu'il était obligé, non, il aurait pu aller tranquillement se coucher au foyer, mais parce qu'il se sentait libre. La nuit, il avait l'impression de pouvoir s'exprimer, et de croiser des demoiselles paniquées ou évitant son regard de peur qu'on les attaque ou qu'on les retrouve dans une ruelle sombre, sans vie au petit matin le faisait sourire intérieurement. "Quelle bande de froussards" se disait-il. "Pathétique." Son allure de bad boy et son regard glacial n'aidaient sûrement pas à mettre les gens en face en confiance, c'était une évidence, mais personne ici n'avait jamais réellement chercher à savoir qui se cachait sous ces airs de mauvais garçon. Il était ce petit taulard dont personne ne voulait s'approcher, ce gamin désagréable qui faisait tout de travers, qui n'écoutait personne. Il était finalement le symbole même de ce qu'on pourrait appeler une "mauvaise fréquentation".

Certains diront de lui qu'il est paumé, perturbé par les échecs de ces gens qui l'entourent, une mère détruite par son viol, il n'est que l'enfant de la honte, repoussé par tous, perçu comme le souvenir atroce d'un moment qu'elle aurait tant aimé oublier. Si les gens avaient cherché à savoir, ils auraient peut-être compris que cette attitude n'était en fait que le simple reflet de ce qu'il ressentait pour lui-même. Grandir en voyant sa mère souffrir en le regardant a fait de lui quelqu'un qui s'auto-flagelle sans même en être conscient. Il refuse catégoriquement tout ce qui pourrait lui faire du bien, l'aider à se construire car au fond, il sait qu'il ne mérite pas le bonheur, on lui a fait comprendre. Il n'était pas encore né que déjà il avait apporté le malheur autour de lui, comment pouvait-il aujourd'hui chercher la paix ? Tout en lui ne reflète que la frustration, la colère, la haine du monde qui l'entoure. Sa confiance ? Il ne la donne à personne car il a très bien compris que dans la vie, tout s'achète, personne ne fait rien sans attendre le double en retour. Que des profiteurs, l'humain est en fait un grand manipulateur, un sournois qui te caresse dans le sens du poil pour mieux te poignarder. Il avait donc fait son bout de chemin tout seul, rejetant quiconque s'approchait un peu trop près de lui... London avait pris la décision de s'occuper de lui-même, de toute façon, personne ne lui avait jamais tendu la main et ce n'était pas prêt d'arrivé. Déjà condamné à de multiples reprises pour des vols, des insultes et des bagarres, on le redoutait plus qu'on ne le prenait en pitié, et ça lui allait très bien.

La nuit allait être longue cependant, les températures avaient chuté d'au moins 10 degrés en l'espace de deux jours et la fraîcheur avait déjà gagné le parc. Son sac à dos et sa guitare sous le bras, London marchait le long des rues, les commerces étaient déjà fermés, les feuilles volaient au milieu de la route, le vent sifflait et la mer était agitée, il entendait les vagues s'écraser sur les rives du port une centaine de mètres plus loin. Si l'orage annoncé débarquait sur Pearl Trees ce soir, il irait s'abriter au lycée, il avait remarqué une porte dérobée dont la serrure sauterait facilement. C'était ça sa vie, chaque soir, réfléchir aux aléas de la nature. Il atteignit enfin le parc à fleurs, celui-là même où il aimait se poser et réfléchir, écrire, griffonner quelques accords avant de les oublier, composer... Sa guitare à la main, il oubliait tout son mal être, tous ces problèmes auxquels ils s'étaient habitués, tous ces regards nonchalants, il s'oubliait à la musique. Il s'assit au pied d'un immense chêne, appuya sa bouche contre ses mains et souffla fort, pour se donner un peu d'énergie, se réchauffer un instant pour mieux s'échapper. Il attrapa sa guitare et commença à jouer quelques notes. Posé à côté, un cahier sur lequel il notait ses inspirations. Il s'essayait à de nouvelles combinaisons, et le temps filait sans qu'il s'en aperçoive. Il faisait à présent nuit noire, et il pouvait déjà apercevoir quelques éclairs au loin, le tonnerre grondait et l'atmosphère s'humidifiait. Il était temps de rejoindre l'école avant que la pluie ne s'abatte sur la ville. Le temps changeait toujours très vite à Pearl Trees, sûrement à cause des vents qui amenaient et chassaient les nuages comme bon leur semblaient. London rangea sa guitare, attrapa son sac à dos et courut aussi vite que possible à travers la ville.

Le garçon sentait les gouttes tomber de plus en plus rapidement et de façon plus soutenue sur son visage, l'orage grondait tel un moteur au-dessus de sa tête et il avait du mal à respirer... Il avait couru presque une distance d’un kilomètre à l’allure d’un dératé pour ne pas se faire tremper et protéger ses affaires, mais ça n’avait pas été suffisant. La pluie ruisselait maintenant sur ses joues et ses vêtements étaient gorgés d’eau. Secouant la tête en guise de renoncement, il  rejoignit l’école au pas. Sans surprise, le parking du lycée était vide, il avait le champ libre. Se méfiant tout de même des quelques maisons voisines qui pourraient apercevoir une silhouette rodée, il longea les murs et atteint finalement la porte de derrière. Il crocheta la serrure à l’aide de cette petite pince qu’il garde toujours sous le coude mais les nuits humides et pénétra doucement à l’intérieur de l’école. Aussi bizarre que cela puisse paraître, il était hésitant. Malgré toutes les nuits passées dehors, c’était la première fois qu’il s’introduisait en douce ici. N’entendant aucun bruit, il souffla et se dirigea sans trop y réfléchir vers la salle de musique afin d’y reposer la guitare qu’il avait empruntée – sans autorisation. Conscient de laisser des flaques partout sur son chemin, London attrapa quelques affaires dans son casier et se changea, là, au milieu du couloir. Quelques secondes plus tôt, il avait machinalement pensé à rejoindre les toilettes avant de réaliser qu’il n’avait nul besoin de se cacher… même au beau milieu du hall principal, son intimité était préservée. Plutôt ravi de cette invasion nocturne, il ôta tous ses vêtements et déambula tel un empereur dans les allées, nu comme un ver, saluant les portraits des majors de promo accrochés au mur jusqu’au bureau du principal. Avec un peu de chance…. Oui, avec un peu de… Oh la porte s’ouvrit. Il avait dû partir le dernier et donc omettre de verrouiller sa porte. Le plaisir de se rouler sur son bureau et de faire des tours dans sa chaise, en sachant très bien qu’il allait s’y asseoir le lendemain sans jamais imaginer ce que London venait d’y faire. Après avoir inauguré chaque coin du bureau, il commença à ressentir quelques frissons et décida qu’il était temps de se rhabiller. Il attrapa un boxer,  un jean propre et une chemise pliée au préalable et les enfila en moins de deux avant de s’asseoir devant son casier. Il ouvrit son sac à dos et… « Putain il est où ? Qu’est-ce que j’en ai foutu… Allez là je n’ai pas que ça à foutre que de… Han le con. Je l’ai oublié. Je l’ai oublié !!! Mais je suis vraiment le roi des abrutis putain ! » Il décocha une droite en plein dans la porte de son casier, maintenant totalement enfoncé. Il n’y réfléchit pas à deux fois, prit ses affaires et s’échappa par la porte qu’il venait de fracturer.

Si à l’aller il s’était arrêté essoufflé, le retour vers le parc s’était fait d’un trait, bravant la pluie et le vent jusqu’au pied de ce chêne sous lequel il s’était assis auparavant. Il regarda partout autour du tronc, tournant autour de l’arbre comme un chien qui cherche le lieu parfait pour lever la patte, il cherchait aussi le Saint Graal, son carnet, son cahier de notes, son meilleur ami… « Il était là, je sais que c’était exactement ici, pourquoi il n’y est pas !?! » Complètement déboussolé, à la fois énervé après lui-même et surtout impuissant devant la disparition de son bien, il péta les plombs, il venait de perdre le plus précieux des trésors, et c’était complètement de sa faute. Il avait été distrait et désormais la rage l’emportait. Il donna d’énormes coups de pied dans le banc en bois, dont les lattes rompirent sous le poids de l’impact, piétina les parterres de fleurs, faisant subir à ce jardin la même douleur que celle qu’il ressentait en ce moment, une perte totale d’identité.

(c) sweet.lips
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