Je m’étais endormie un sourire aux lèvres, et je ne me souvenais plus de la dernière fois où c’était arrivé.  Mais cette nuit je m’étais sentie sereine et confiante, même si j’avais une petite idée de la révolution que tout cela allait apporter dans ma vie.  Et pas seulement que la mienne…  Si j’étais persuadée que les jumelles allaient bien prendre la chose, Lana ne serait certainement pas si heureuse.  Mais pour l’instant j’étais loin de ces considérations.  Mon lit ne m’avait jamais semblé si confortable, si chaud…  Mon corps reposait tout contre celui de Sasha alors que je dormais encore paisiblement.  Des lèvres se posèrent dans mon cou et il frissonna, le baiser sur mes lèvres finit par me sortir de mon sommeil.  Avant d’ouvrir les yeux, j’inspirais profondément et ma bouche s’étira d’un énorme sourire.  J’enlaçais Sasha et partageais un nouveau baiser avec lui.


Mon royaume pour être réveillée comme ça tous les matins…  Bonjour !


Cette fois j’avais ouvert les yeux et une de mes mains courrait sur son dos puissant.  Quand je me suis réveillée hier matin, jamais je n’aurais pu imaginer de quelle façon j’émergerais de mon sommeil le jour suivant !  Tout cela était arrivé sans la moindre préméditation, le ciel s’était éclairé et nos sentiments avaient été mis au grand jour.  Aujourd’hui je savais pourquoi je m’étais toujours sentie aussi bien en sa compagnie, pourquoi instinctivement j’avais en lui une confiance absolue et ce depuis toujours. J’avais été terriblement blessée par le départ d’Eliott, à un tel point que j’avais voulu bannir l’amour de ma vie.  C’était pour moi synonyme de blessures, de trahison…  Comment encore accorder ma confiance après ça ?  Mais Sasha, ce n’était pas pareil, ça ne l’avait jamais été.  Ce que je réalise aujourd’hui me met du baume au coeur et je ne regrette rien de ce qui s’est passé, bien au contraire.

Doucement je me redressais et venais me placer derrière lui.  Mes bras entouraient sa taille et je posais une main sur son ventre, l’autre sur son torse.  Mon menton venait se placer au creux de son épaule et je penchais un peu la tête pour qu’elle repose contre la sienne.  Des images de cette nuit me revenaient en mémoire, toutes plus délicieuses les unes que les autres.  Des soupirs, des doigts qui s’entrelacent, des caresses et des baisers…  On s’était aimés longuement et sans la moindre retenue, nous laissant aller à nos envies trop longtemps bridées.


Pour voir les choses… Ou pour les accepter.  Le principal c’est que nous y soyons arrivés.


Je posais un baiser sur son épaule, un autre dans son cou, un troisième juste sous son oreille où je murmurais.


Je me sens tellement bien avec toi.


J’énonçais cette évidence puis bougeais pour lui voler un baiser.  Nous étions enlacés et en plein baiser passionné lorsque la porte s’ouvrit soudainement, nous coupant dans notre élan.  Les jumelles aussi, ont été coupées dans leur élan !  Elles se sont littéralement figées, les yeux remplis de surprise, puis j’ai vu Analyn se pencher et parler à l’oreille de Chloé qui a écarquillé les yeux avant de se mettre à sauter sur place comme si le Père Noël venait de lui apporter le cadeau de ses rêves.  Analyn pouffait, un peu rougissante, et elles se sont alors précipitées sur nous, Chloé pendue à mon cou, Analyn à celui de Sasha.  Je tentais tant bien que mal de remonter le drap sur moi, mais ce n’était pas évident du tout !


Tu vas venir habiter avec nous oncle chacha ?

Et tu vas te marier avec maman ?

Je pourrai être ta demoiselle d’honneur maman ?

Wiiii !  Moi aussi ze veux !

Je…


Oh bon sang…

Je me sentais terriblement bien. En fait, je ne me souvenais plus de m’être sentie aussi bien depuis… Des lustres. Depuis quelques temps, ma vie a déraillé, et pour tout dire, je crois qu’elle n’a jamais été parfaitement sur des rails, en tout cas, pas comme ça, pas de façon si parfaite. La nuit avait été magique, le réveil tenait du rêve éveillé et on le prolongeait délicieusement. J’étais dans ma bulle, j’avais l’impression de flotter, j’avais oublié tout ce qu’il y avait autour de nous et… Ca incluait mes filles ! Je ne m’attendais pas à ce qu’elles se précipitent dans la chambre comme ça, elles ne le font jamais ! Au contraire, je dois toujours batailler pour les sortir du lit, ce sont de vraies marmottes et je crois qu’elles n’en sortiraient pas avant dix heures du matin si je les laissais faire ! Alors quoi… C’est un sixième sens qui les a éveillées ? Ou alors elles sont tellement excitées à l’idée d’aller à Disneyland qu’elles ont plus d’énergie que d’habitude. En tout cas, ça tombe mal. J’aurais préféré qu’on leur en parle, pas qu’elles tombent sur ce genre de scène.

L’espace d’un instant, je reste figée, tout comme elles. Des tas de choses passent dans ma tête mais je ne parviens pas à les y fixer, trop préoccupée par ce qui vient de se passer. Mais les jumelles n’en finiront jamais de me surprendre ! Les voilà qui sautent partout et de toute évidence, elles sont contentes ! Elles parlent même d’aménagement, de mariage, de demoiselles d’honneur… Wow… Elles me font quoi là ? Seigneur c’est… Embarrassant. Qu’est-ce que je suis sensée leur dire ? Ce sont des petites filles, élevées aux films Disney qui parlent de princesses et de princes charmants. Pour elles, baiser = mariage, elles ne sont pas du tout habituées à la façon de faire dans la vie réelle ! Merci Sasha… Il a su réagir et faire ce qu’il fallait pour qu’elles sortent de la chambre sans discuter. Dès que la porte se ferme, je me laisse retomber en arrière.


Bon sang… On n’a même pas eu le temps de réfléchir à la façon dont on allait leur annoncer les choses !


Et je savais qu’elles allaient nous poser des questions, elles sont du genre curieuses, aussi bien l’une que l’autre, et elles n’allaient certainement pas laisser les choses en l’état ! Mais Analyn et Chloé étaient ravies de ce qu’elles avaient découvert, c’était un énorme point positif. Pendant que je m’habillais, je me demandais comment Lana allait prendre les choses. Mal, très mal, c’était certain. Elle va carrément péter un plomb si vous voulez mon avis. Et on ne peut même pas décider de prendre le temps de lui annoncer la nouvelle, les deux pipelettes que j’avais mises au monde allaient se faire une joie de le lui annoncer ! Vous pensez… Ca va leur brûler la langue, toute leur école sera certainement au courant dès qu’elles auront eu le temps de raconter leur histoire. Je devais avoir un air super inquiet en pensant à ça, mais heureusement l’intervention de Sasha eu le don de m’apaiser.


Moi non plus… J’ai même envie de recommencer !


Je laissais échapper un petit rire. Je devais absolument dédramatiser la situation, après tout ce n’était pas la fin du monde, on ne devait pas affronter une maladie ou un deuil ou quoique ce soit dans ce genre. Relativiser est la meilleure façon d’aborder les choses. Ca a été facile de le penser pendant qu’on échangeait un nouveau moment complice, mais alors qu’on descendait pour rejoindre les filles, rien à faire la boule revenait. Lana n’était pas là, mais quand elle apprendrait ça… Seigneur ça me fout en vrac de tant redouter la réaction d’une adolescente ! Le bruit de la télévision couvrait les paroles des jumelles que nous trouvions bien évidemment en grande conversation. Je baissais le son et sortais les céréales et le lait pour les amener à table. Les filles nous regardaient l’un après l’autre avec leur petit sourire que je connaissais si bien, celui qu’elles avaient quand elles réservaient une surprise, vous voyez ?


On va continuer à habiter ici ?

Moi ça m’dérange pas si on va chez oncle chacha !

Moi non plus !

Pis Lana sera sûrement contente aussi !

Voui, elle aime bien oncle chacha !


Ah oui, ça je le savais et ce n’était pas le problème, elle adore son oncle, mais moi elle me déteste, et elle sera sûrement prête à fabriquer une poupée vaudou à mon effigie pour lancer une malédiction sur moi plutôt que d’accepter que son oncle et moi soyons en couple !


Ecoutez les filles… Vous savez, ça ne se passe pas comme dans les films. Dans la vraie vie, un couple a besoin de temps pour murir et prendre de grandes décisions. Alors promis on vous préviendra à chaque fois qu’on en prendra une, mais en attendant… Mangez vos céréales et après filez à la salle de bains sinon vous allez être en retard à l’école !

Parfois je me demandais ce qu’elles pensaient à propos de leur père. Est-ce qu’il leur manquait ? Etaient-elles en colère contre lui, tristes ? Est-ce qu’elles avaient fait leur deuil de sa présence ? Son départ était encore récent après tout, et elles n’en parlaient jamais. Au début, elles avaient énormément pleuré, posé beaucoup de questions. Puis plus rien, comme si elles avaient compris, comme si elles avaient décidé de simplement l’éliminer de leur vie. Moi je n’osais pas leur poser de question, j’avais peur de raviver des douleurs encore trop fraîches. Voir mes filles heureuses était la chose la plus importante de ma vie, je me disais que peut être elles parlaient un peu de ça avec Lana. Il y a peu de chance que ça soit le cas, je le sais bien, mais elles avaient Eliott comme père toutes les trois, le même sentiment d’abandon depuis son départ, la même incompréhension. Je n’avais aucune idée de ce qu’elles pouvaient toutes les trois ressentir, je ne pouvais pas comprendre ce qui pouvait se passer dans leur tête, je n’ai pas connu l’abandon d’un parent. C’est pour ça que j’essayais de me montrer la plus compréhensive possible avec Lana. La pauvre enfant avait perdu sa mère quand elle était toute petite, maintenant c’est son père qui manquait à l’appel… Comment pouvait-elle être heureuse et équilibrée avec ce genre de passif ? Elle me détestait, c’était un fait, mais elle n’avait plus que Sasha et moi… Et ses demi-soeurs. Je refusais de l’abandonner envers et contre elle-même, avec l’espoir qu’un jour, peut être, quand elle aura grandit, elle pourra faire la paix avec moi et réaliser que je n’ai jamais été son ennemie.

Mais aujourd’hui, c’est comme ça qu’elle me considérait. Je ne savais pas comment on en était arrivées à ça, comment elle pouvait me voir comme ça alors que son père avait toujours été bien plus sévère avec qu’elle que je ne l’étais. Quand elle était enfant et qu’elle se faisait gronder par lui, j’essayais toujours d’aller la réconforter, mais elle me repoussait. Je ne peux pas donner d’époque où elle a commencé à s’éloigner de moi pour la simple et bonne raison que dès mon arrivée dans la vie de son père, j’ai bien remarqué qu’elle n’acceptait pas ma présence. Déjà à ce moment là j’espérais que ça irait mieux quand elle aurait un peu grandit, on sait ce que ça a donné. A l’heure actuelle, la personne dont elle est la plus proche, c’est son oncle. Elle l’adore, il est la figure paternelle qui lui manque tant, le seul qui ne l’a jamais abandonnée. Et voilà qu’elle va devoir apprendre qu’il fraie avec l’ennemi… Apprendre notre liaison va la mettre dans une colère terrible, je n’en doute pas une seconde, et je redoute le moment où elle l’apprendra. Les jumelles étant au courant pour nous, je ne doute pas une seconde qu’elle vont vendre l’info très vite ! Alors bien sûr elles vont essayer de se retenir, pour jouer à l’espion, comme leur a demandé Sasha, mais elles n’auront pas la force de garder ce secret bien longtemps, j’en ai peur… Elles sont trop petites et trop heureuses de ce revirement de situation pour ça.

Heureuses, elles l’étaient. Elles étaient déjà en train de parler de mariage, d’emménagement… Bien entendu elles voyaient les choses avec leurs yeux de petites filles et ne se rendaient pas compte de la façon dont les choses fonctionnaient dans la vraie vie. Je savais déjà qu’entre nous les choses allaient se passer le plus naturellement du monde. On se connaissait depuis longtemps, on se respectait, il y avait entre nous une complicité qui n’était plus à construire. On avait toujours été sur la même longueur d’ondes, on avait ces trois enfants en commun et on les aimait de la même façon, on avait autant à coeur l’un que l’autre de les protéger.


Une semaine maxi… Dans une semaine toute la ville sera au courant.


J’avais pris une banane et m’étais appuyée contre le plan de travail. Sasha venait de me rejoindre et je m’étais un peu penchée vers lui pour lui parler discrètement pendant que les filles mangeaient leurs céréales. Je n’avais aucun espoir qu’elles gardent le secret, autant se préparer à l’inévitable. Mais je ne voulais pas trop m’en faire. On a peu de temps avant son retour, autant en profiter… Le calme avant la tempête en quelque sorte. Aussi je n’avais pas dit ça sur un ton désespéré mais avec un petit sourire amusé.


Allez les filles, mettez vos bols et vos cuillères dans l’évier et allez vous préparer !


L’ambiance de ce petit déjeuner avait été excellente, tout comme le dîner de la veille d’ailleurs. Les filles étaient d’excellente humeur, comme la plupart du temps. Moi j’avais un peu l’impression que c’était le premier matin du reste de ma vie, tout avait changé depuis la veille et je me sentais terriblement heureuse, comme si le poids que je portais sur mon coeur s’était soudain envolé. Je regardais avec amusement les filles se prendre la main pour grimper les escalier en chahutant.


Mmm… Comme ça t’arrange, j’ai le temps de les emmener en allant au bureau.


La peau de banane rejoignait la poubelle et je venais ensuite me placer face à Sasha, contre lui. J’arborais un petit air canaille et enroulais mes bras autour de son cou.


J’ai un patron très sévère qui ne supporte pas que je sois en retard !

Un matin ordinaire, et extraordinaire en même temps. Dehors le monde tourne comme il a toujours tourné, totalement indifférent à ce qui se joue à l’intérieur de cette maison, à ce qui s’est passé la nuit dernière et qui va changer le destin de cinq vies. Mes filles sont encore petites, pour l’instant elles ne se posent aucune question sérieuse, elles ne sont pas encore en âge d’aborder une réflexion sur le sujet. Si c’était arrivé dans quatre ou cinq ans, est-ce qu’elles m’auraient reproché quelque chose ? Peut être que dans quelques années, quand elles seront à leur tour adultes, je pourrai leur poser la question histoire d’en avoir le coeur net. Mais pour l’instant c’est Lana qui m’inquiète. Elle me déteste déjà alors qu’elle n’a aucune raison valable pour ça, j’ose à peine imaginer sa réaction quand elle apprendra que pendant sa mini-retraite en forêt, son oncle et moi nous sommes rapprochés. Mais on affrontera ça, je me dis que j’ai connu pire, qu’on ne peut pas se laisser dicter notre conduite par une adolescente et qu’elle finira bien par s’y faire.

J’avais rejoint les bras de Sasha qui ne m’avaient jamais autant ressourcée qu’en ce moment. Je m’y sentais protégée, à l’abri de tout, c’était rassurant de ne plus être seule. Evidemment il avait toujours fait en sorte d’être là pour moi et pour les filles, mais ce n’était pas la même chose. Il avait sa vie dans laquelle je ne voulais pas trop m’immiscer. Mais lui et moi, c’était bien trop évident, à tel point que je me demandais comment j’avais pu vivre tout ce temps avec la tête dans le sable. J’avais toujours été sincère avec Eliott, j’étais vraiment amoureuse de lui, alors sans doute mon esprit refusait-il d’admettre que j’en aimais un autre encore plus. A bien y réfléchir, tomber amoureuse du frère de son mari n’est pas quelque chose d’honorable, et je n’avais jamais été de ces coeurs d’artichaut qui n’ont pas l’amour fiable. Pourtant je n’avais pas honte, je ne me sentais pas fautive. Ce que je ressentais était trop fort pour être une lubie, j’étais trop bien pour remettre en question la légitimité du couple que nous formions à présent.


Et bien… Je pense que c’est une excellente idée !


C’est vrai après tout, on pouvait prendre notre temps. Mon travail était à jour et j’étais bien placée pour savoir que Sasha n’avait pas de rendez-vous ce matin. Je prenais le temps pour notre tradition du matin, c’est à dire un câlin à Analyn et Chloé. Je les aidait à passer leur manteau et à les fermer puis les regardais filer joyeusement avec Sasha. Bon sang… La maison était vide à présent et je regardais autour de moi comme s’il y avait quelque chose à découvrir. Je passais une main dans mes cheveux et secouais la tête avec un sourire amusé. J’en ai profité pour aller prendre une douche et après ça je suis redescendue pour mettre la cuisine en ordre. Je n’ai pas été seule longtemps, déjà Sasha revenait avec ce qu’il avait acheté à la boulangerie. Je penchais un peu la tête pour lui donner meilleur accès à mon cou et lâchais un petit rire lorsqu’il ouvrit le paquet.


Bon sang… Tu ne plaisantes pas avec le petit déjeuner toi !


Ah ça, y’avait du choix ! Pas bien de me tenter comme ça, c’est que je suis gourmande moi ! Je ne résiste pas à un éclair au chocolat qui me fait de l’oeil et en croque un morceau pendant que Sasha me fait part de ce qui le travaille. Je peux vous avouer un truc ? J’adore ce que j’entends ! Il me veut toute à lui, il sait ce qu’il ressent pour moi… Woaw… Vous n’imaginez pas à quel point c’est agréable à entendre…


Alors on est d’accord. Je suis entièrement à toi et je n’ai jamais été aussi sûre de moi.


Aucune question là-dessus, pour moi c’est clair comme de l’eau de roche, et c’est rassurant d’avoir pu mettre les choses à plat. En même temps, ni lui ni moi ne sommes du genre à faire ce genre de chose sans penser aux conséquences, si c’est arrivé, c’est que c’était bien plus fort que nous et qu’il se passe quelque chose d’important entre nous.


Oh la la mon dieu… Ca va être quelque chose ! J’espère que tu auras les épaules !


Taquine, je commençais à tapoter son bras en riant. Bien sûr que je me rendais compte, je savais que ça allait être du sport, mais ça valait vraiment le coup de se battre et d’affronter les tempêtes. Cette fois c’est la bonne, je sais que j’ai trouvé la perle rare, celui qui me correspond à cent pour cent. Je posais le reste de mon éclair et me hissais pour poser un baiser sur ses lèvres.


Je t’aime.

J’ai pas vraiment l’habitude de tout ça. Je veux dire… Avant Eliott je n’avais pas eu beaucoup d’aventures, je n’étais pas une fille qui collectionnait les petits amis et Eliott n’était pas vraiment du genre câlin, même au début de notre relation. Ca ne me dérangeait pas, tout simplement parce que je savais qu’il était comme ça et que ça ne venait pas de moi. Ca ne voulait pas dire qu’il ne m’aimait pas. Enfin… Je crois. Certains diront que ça n’a plus d’importance, mais je ne suis pas d’accord avec ça. Ce n’est pas parce qu’une histoire s’arrête que ce qui la concerne n’est pas important. C’est quand même le père de mes enfants, il ne faut pas l’oublier. Si nous ne sommes plus rien aujourd’hui, j’aimerais au moins savoir qu’on a été… Vraiment été. Ce n’est pas évident d’aborder une séparation de cette façon, il me manque des pièces du puzzle, des explications que je suis en droit de recevoir.

Pourtant j’avance. Pour mes filles, pour Lana… Pour moi aussi. Mais je n’ai pas l’habitude de tout ça. Alors je fais comme je l’ai toujours fait, je me laisse porter par mon instinct. Mes certitudes sont d’une grande aide, c’est tellement plus facile quand on ne se pose pas de questions. Enfin si, il y en a… Mais elles sont plutôt de nature pratique. Je l’aime, je le sais, depuis plus longtemps que je ne veux bien l’admettre en réalité, et ça me fait du bien de le formuler, comme si c’était une façon d’entériner les choses. Je ponctuais ma confession d’un baiser que Sasha prolongeait. Alors qu’il me soulevait pour me poser sur le plan de travail, j’enroulais mes bras autour de son cou et mes jambes autour de sa taille. Un sourire apparut sur mon visage, je me délectais de ce moment, caressais doucement sa nuque et penchait un peu la tête pour qu’il puisse nicher son visage dans mon cou. J’étais bien, terriblement bien, en paix et sereine, à ma place. Et puis… Il a soupiré et s’est reculé. Je lui ai jeté un regard interrogateur et remarquais qu’il semblait… Enervé ? En colère ? La porte du frigo claquait et je sursautais légèrement. Je ne m’attendais pas du tout à cette réaction et me demandais bien ce qui était en train de se passer. Je descendais du plan de travail et écartais les bras.


Qu’est-ce qu’il y a ?


Et là il s’est mis à m’expliquer. Il avait des réticences à cause de la façon dont les choses se passaient et… A ce moment là j’ai pesté intérieurement contre Eliott. S’il m’avait quitté avec un minimum de dignité et de courage, s’il m’avait dit clairement les choses au lieu de partir sans laisser de trace, on n’en serait pas là. Eliott est mon passé, Sasha est mon présent et mon avenir. Parce que oui, déjà aujourd’hui il est là, et il était là hier, il était là il y a des semaines quand son frère est parti et que j’étais à ramasser à la petite cuillère. On dira ce qu’on voudra de cet homme, mais moi je sais qui est le vrai Sasha et je peux vous dire que c’est une véritable perle, un mec bien, comme il en existe peu. Mais moi je râle, parce que j’en ai marre de faire les frais de la lâcheté de son frère, d’en payer les conséquences.


Alors qu’est-ce qu’on fait ?


J’avais les larmes aux yeux, sans doute parce que je suis à fleur de peau depuis tellement longtemps que la moindre chose provoque des émotions intenses. Je crois que je comprends ce qu’il veut dire, même si ça me frustre. Je pousse un soupire et vais vers le salon pour ouvrir le secrétaire qui renferme un dossier. Je le prends et reviens à la cuisine.


J’ai téléphoné à Swift, tu avais dit un jour qu’il était génial pour les divorces. J’ai rendez-vous avec lui la semaine prochaine, il a déjà tous les éléments pour lancer la procédure. Je préférais attendre d’avoir été le voir avant de t’en parler pour avoir ton avis et…


Je poussais un nouveau soupire.


Moi non plus je ne veux pas qu’on se cache. Je ne me sens pas coupable de ce qui se passe entre nous parce que c’est trop vrai pour le cacher. Tu fais déjà partie de ma vie, de la vie des enfants… Cette maison, il l’a abandonnée, avec tout ce qu’il y avait dedans… Je ne pourrai jamais lui pardonner ça.