En attente

Son attaché-case à la main, Sasha quitta le bureau. La porte venant de se refermer derrière lui, ses collègues auraient tout le loisir de le traiter de tyran, de fou ou de bourreau de travail. Peu lui importait, sa montre lui hurlait de se dépêcher. Quelques papiers l’attendaient à la mairie et sans eux, il ne pourrait avancer sur l’un de ses dossiers. L’avocat avait une réputation qu’il tenait très bien, tout le monde le savait têtu et déterminé mais surtout dans son travail ! Jamais il ne jouait avec les affaires qu’on lui donnait et rares étaient les adversaires qui pouvaient se vanter de l’avoir battu dans un tribunal. Sasha était un requin, de la pire espèce. Le genre qui va trouver la toute petite faille et l’exploiter au maximum, jusqu’à ce qu’il trouve l’élément qui lui donnera la victoire. Tout cela n’était pas qu’une question d’argent ou de réputation mais plutôt d’avenir et de victimes. Maître Tripps ne supportait pas les injustices de ce monde, la loi du plus fort, la loi du plus riche. Lui, il luttait contre tout ça, à sa manière.

En arrivant à la mairie, il distingua une silhouette qui semblait l’attendre. Ses yeux ne purent s’empêcher de se lever vers le ciel tandis qu’il s’engageait dans la montée des marches. Un bref regard hautain sur la jeune femme suffit amplement en guise de bonjour, Sasha avait du mal avec elle. Jessica n’était pas méchante, non loin de là ! Mais elle n’avait pas les épaules solides, le caractère de chien et l’ambition qui caractérisaient les bons avocats. Ce n’était, aux yeux de l’homme, qu’une jolie jeune fille plus douée pour servir de modèle photo que pour défendre toute une vie devant un jury. Ils entrèrent dans le bâtiment, furent envoyés patienter dans l’une des salles adjacentes. Le souci de l’administration, c’est bien leur fâcheuse tendance à faire attendre tout le monde. Sasha s’installa sur la chaise, déjà énervé à l’idée de devoir rester là et perdre du temps. Jessica tenta de lancer la conversation, histoire sans doute de meubler le silence qui s’interposait entre eux et peut-être aussi, de se montrer sympathique à ses yeux.

- Elle fut atroce, merci. Ce dossier m’a maintenu éveillé une bonne partie de la nuit. Tu apprendras ça bien assez tôt.

Elle le vouvoyait, il la tutoyait. Sasha ne voyait aucune raison de vouvoyer Jessica ! Elle était plus jeune, moins expérimentée, moins haut dans la hiérarchie du métier. Et puis, il se voyait mal débordant de courtoisie pour une personne qui l’irritait passablement. L’avocat tentait, par des insinuations, de faire comprendre à la jeune femme que ce métier était dur ! Plus que ce qu’on ne peut croire. Si elle voulait réellement s’impliquer, aider les gens, si elle ne voulait pas seulement leur pomper leur argent, alors elle devrait se sacrifier. Sasha tentait de faire passer le message. Ses yeux se levèrent et il scruta la jeune femme, vêtue de façon correcte. Lui, il portait tous les jours un costume, si bien que son armoire en était remplie. Hors de question d’arriver au boulot en jeans ! Son rôle d’avocat l’obligeait à imposer une certaine distance avec les clients, les accueillir en tennis et t-shirt serait comme les inviter à un barbecue du dimanche.

- Tu pourrais peut-être tenter de nous trouver un café ?

Déjà, il avait cessé de la regarder, sortant des documents de son attaché-case et les feuilletant. Sasha ne se gênait pas pour utiliser Jessica comme une secrétaire, de temps en temps. Cela avait peut-être quelque chose à avoir avec le fait qu’il était incapable de l’imaginer avocate ... pour le moment, du moins.

En attente

Comme si être piégé dans une salle d’attente, à patienter le temps que des secrétaires fainéants remplissent trois lignes, n’était pas assez pénible ! En plus, il fallait que sa stagiaire se mette à discuter, à tenter de sympathiser avec lui. Le souci avec Sasha, c’était bien qu’il manquait clairement de sociabilité. Jamais il n’avait été le plus sociable, le plus apprécié, celui que tous regardent avec cette flamme de solidarité dans le regard. Pour lui, c’était plutôt marche ou crève. Depuis tout petit, c’était sa façon de penser et d’agir, ça ne serait pas demain la veille que ça changerait ! Et l’attitude de la demoiselle ne fit qu’empirer son jugement. Sasha secoua lentement la tête, en signe de désapprobation et de déception. Elle lui manquait de respect, il n’aimait pas ça. Clairement, il était son supérieur et que ça lui plaise ou pas, il ne tolèrerait pas ce genre de ton à son égard. D’une voix calme mais passablement irritée, il reprit comme l’on sermonne un enfant pour la dixième fois :

- J’en sais, jeune fille, que je suis passé par les études de droit bien avec toi et je peux t’assurer que ça n’a rien à avoir avec les véritables dossiers.

Il était resté calme, froid comme toujours mais posé. Cependant, il était inutile de se leurrer, Sasha n’appréciait pas qu’on lui tienne tête. Certains aimaient ça, les têtes brûlées qui osaient se dresser contre l’autorité ! Pas lui. Tout du moins, pas tant qu’on ne lui avait prouvé une certaine valeur. Jessica avait des progrès à faire, elle devait encore grandir, vieillir même. Être avocat, ça signifie sacrifier une partie de son existence. Selon la définition de Sasha, en tous cas. Maître Tripps la scruta un instant et lui demanda un café, requête à laquelle elle accéda, au grand bonheur de tous. Il était peut-être vrai que l’homme lui avait demandé ça pour se libérer un peu de sa présence ! Certes, ce n’était pas bien sympathique mais dans le fond, ils le voulaient tellement tous les deux ! Un peu d’air frais.

- Noir sera très bien.

Et la voilà partie. Sasha poussa un soupir, rangea ses documents qu’il avait déjà étudiés auparavant et sortit sa tablette. Ses doigts parcourent les icones, il en sélectionna une et entreprit de taper une note. Il était urgent qu’il pense à aller acheter le cadeau de sa nièce ! Son anniversaire approchait et il n’avait toujours rien en tête. Sasha se pinça les lèvres, hésita un long moment puis décida d’envoyer un message à sa belle-sœur, Martha aurait peut-être une idée de cadeau ? Bien que, sincèrement, elle ne soit pas la personne la mieux placer pour parler des goûts de sa belle-fille ! Enfin, la porte s’ouvrit et l’avocat rangea sa tablette d’un mouvement rapide du poignet. Se relevant de sa chaise et attrapant son attaché-case, il se dirigea vers l’entrée ... pour y découvrir une porte fermée. Comble de l’ironie, ses sourcils se froncèrent et il tourna la tête à gauche, puis à droite. Où étaient encore passés ces incapables ?

- Nous nous excusons, les papiers prennent du retard ...

La secrétaire, armée d’une boîte qui contenait des cookies, des viennoiseries et autres joyeusetés, se dirigeait vers la porte. Dans son tailleur serré, on aurait pu croire à une femme d’affaire. Sasha la dévisagea si profondément qu’elle baissa les yeux. Il détestait attendre, ses journées étaient plus chargées les unes que les autres et cette mairie le rendait dingue. La femme ouvrit la porte et voulut passer mais Sasha posa la main sur la porte, la refermant par la même occasion. Surprise, la secrétaire fit un pas en arrière, levant un regard terrorisé sur l’avocat. Il la fixait, un mince sourire faussement poli aux lèvres.

- Quand ce ... retard, sera calé au fond de votre estomac, tachez de compléter les papiers ! Il se pourrait bien que je décide de contacter un inspecteur du travail, ce genre de retard l’intéresserait grandement, je suppose.

Elle le fixa, horrifiée. Sasha recula, cédant enfin le passage à la secrétaire qui alla trouver refuge dans les bureaux. Sans doute s’empresserait-elle de compléter les documents à présent ! L’avocat resta debout, incapable de retourner s’asseoir et de patienter sagement ... et où était la stagiaire ? Elle le fabriquait son café ou quoi ? Enfin, sa silhouette apparut mais Sasha garda le silence, la laissant approcher sans discuter. Quand elle fut assez proche, il se contenta d’un regard dédaigneux à son adresse qui en disait long sur son absence prolongée. Enfin, il déclara de sa voix posée mais sèche :

- C’est dommage que tu n’aies pas été là, tu as raté l’arrivée de la secrétaire ! Une personne admirable. Vous vous entendriez bien toutes les deux.

Il porta le café aux lèvres, goutant au liquide chaud et noir comme l’encre.

En attente

Elle était de retour après un moment d’absence, heureusement, elle avait apporté du café ! Cela permettrait à Sasha de se calmer un peu ... ou peut-être pas d’ailleurs. L’avocat détestait la situation et encore plus le travail bâclé des secrétaires. Pourtant, on pouvait entendre du bruit de l’autre côté de la porte, ses menaces avaient donc payées ! Les employés s’animaient. Sans doute se pressaient-ils de finir ceci pour pouvoir se débarrasser de cet homme insupportable et de sa stagiaire. Jessica le questionna sur les évènements, en profitant pour jeter un prétexte à son retard dans la foulée. Sasha ne répondit rien dans un premier temps, puis tourna la tête vers la demoiselle, le visage aussi fermé et dénué de sourire que d’habitude.

- C’est une autre chose que tu apprendras avec le temps et l’expérience, souvent, il faut mettre un coup de pied dans la ruche !

Maître Tripps porta son café aux lèvres, en absorbant une gorgée et se délectant de sa chaleur. Enfin, la porte s’ouvrit sur une femme en proie à un malaise certain. Ses joues étaient rougies par l’embarras, ses yeux fuyaient le regard inquisiteur de Sasha et ses doigts se cramponnaient à l’enveloppe refermée soigneusement comme si celle-ci représentait son ultime bouée de sauvetage. Elle tendit le bout de papier à l’homme en face d’elle, l’avocat le prit mais constata très vite qu’elle était bien légère pour tous les papiers dont il avait besoin. L’un de ses sourcils se fronça et ses yeux retombèrent à nouveau sur la secrétaire qui s’empourpra davantage. D’une petite voix mal assurée, elle commenta :

- Nous nous excusons mais le reste des papiers se trouve dans le bureau de l’aile ouest. Je ...

Sasha venait déjà de faire demi-tour, plantant la jeune femme sur place après l’avoir mitraillée du regard. Pas besoin de perdre son temps avec les discours futiles et encombrants d’une employée inutile. Ses pas s’accélérèrent, il ne prit même pas la peine de vérifier que Jessica le suivait. Soit elle lui emboitait le pas, soit elle restait là-bas ! De toute façon, ça ne serait pas lui qui veillerait à ce qu’elle le suive ! Sasha traversa le hall, fourrant les papiers dans son attaché-case et commençant à gravir les marches pour se diriger vers l’autre aile. Cette mairie, bien que pas forcément bien grande, lui devenait plus pénible à chaque seconde qui s’écoulait.

- À cause de tout ça, je vais être en retard dans mon emploi du temps. Je vais avoir besoin de tes mains ! On attrape ces papiers et on retourne au cabinet, tu m’aideras, une fois là-bas.

Il ne lui laissait pas franchement le choix ! Après tout, ils devaient en quelque sorte collaborer, sur cette affaire ! Et Sasha n’avait pas que celle-ci entre les mains ... du coup, Jess allait se trouver à devoir bosser plus longtemps que prévu avec l’avocat ! Sa journée de calvaire n’était pas terminée !

En attente

Au moins, Jessica ne joua pas à la rebelle et ne s’opposa pas à quelques heures de travail supplémentaires ! De toute façon, Sasha ne lui aurait laissé aucun choix. Ils devaient bosser ensemble sur ce dossier et elle, elle avait l’opportunité de ne s’occuper que de celui-là puisqu’elle était encore étudiante. Lui, il en avait des tas d’autres. Il comptait bien utiliser le temps et la disponibilité de la demoiselle pour lui laisser faire ses preuves au maximum sur cette affaire ! Et puis, pour lui, ça serait l’occasion de se pencher sur d’autres choses plus rapidement. Ils marchaient rapidement, traversant le hall en quelques instants, pourfendant les couloirs en destination de l’autre aile. Les papiers, probablement déjà tout prêts, les attendaient sagement dans ce bureau et ils n’avaient qu’à y aller. Ensuite, la course ne serait pas terminée mais ... chaque chose en son temps.

- Nous venons récupérer les papiers pour le dossier numéro 587.

La secrétaire acquiesça, elle avait une petite mine ! L’autre employée lui avait probablement raconté l’incident au téléphone et Sasha, lui inspirait une certaine crainte mêlée de respect. Il fallait l’avouer, l’avocat appréciait cette réputation qu’il avait. Quand les gens vous voient comme un connard, ils ne font aucun effort pour venir vers vous et du coup, ils ne vous pourrissent pas la vie. Sasha aimait beaucoup ce respect qu’il imposait aux employés, le travail était plus rapide et plus simple de cette façon. Quant à ses collègues, la plupart le considéraient comme un rival de taille et cela aussi, était source de motivation. Quoi de mieux qu’un peu de compétition pour se remotiver à la tâche ? Maître Tripps prit les documents, ne remercia pas la secrétaire – car il les avait tous en horreur à présent – et fila. Jessica dut le suivre, à nouveau. Elle était comme ces petites créatures dans les jeux vidéo qui suivent le héros principal, donnant un coup de main de temps en temps. Ils quittèrent la mairie et Sasha s’arrêta au bas des marches, il se caressa la nuque, légèrement embarrassé. Son regard se posa ensuite sur la demoiselle et il lui lança :

- Tu es venue en voiture ?

Ils devaient bouger à présent et cette question devait trouver une réponse au plus vite.

En attente

Il aurait pu prendre un taxi mais pour cela, il aurait fallu en appeler un ! En effet, dans une bourgade comme Pearl Trees, les habitacles jaunes ne déferlaient pas comme les gouttes en saison de pluie. Sasha savait que le moyen le plus rapide d’aller régler ces histoires de papier était de prendre une voiture, il avait dû abandonner la sienne au garage pour un problème de frein, il se retrouvait donc à devoir suivre la demoiselle jusqu’à sa petite Fiat. L’avocat aurait pu critiquer, émettre un jugement sur cette peluche qui pendait au rétroviseur ou à cette musique un peu trop gnangnan selon lui. Cependant, Sasha resta muet. Il n’était pas d’humeur à descendre en flèche les goûts de Jessica et puis, c’était sa voiture et elle était encore libre d’avoir de mauvais goûts, après tout. L’avocat arqua un sourcil quand il vit la jeune femme emprunter des raccourcis qu’il n’aurait sans doute pas pris en temps normal, cela étant, si ça leur permettait d’arriver au boulot plus vite, c’était tout bénéfice !

Le choc fut sec mais moyennement violent, c’est du moins ce que se dit Sasha les premiers instants. L’homme avait baissé les yeux une seule seconde, le temps de lire un message et brusquement, la voiture toute entière avait tangué. Instinctivement, l’avocat avait relevé le bras pour se protéger le visage d’éventuels morceaux de verre et son poignet traversa la vitre du côté passager sous l’impact. Sasha grimaça de douleur et entendit Jessica lui demander s’il allait bien, il jeta un regard à son bras, quelques débris trônaient fièrement sur sa peau et des filets de sang s’échappaient d’une plaie salement ouverte mais rien qui ne risquerait de lui faire réellement du mal.

- Quelle merde !

Ce fut la seule réponse qu’il put envoyer sur un ton haineux, pas à l’adresse de Jessica mais plutôt contre ce concours de circonstance qui allait contrecarrer leurs plans. Sasha tourna lentement la tête, s’apercevant qu’il n’avait par chance aucune douleur dans le dos ou dans le cou. Son regard se posa sur la jeune femme, c’était son côté qui avait pris le choc. Heureusement, son état avait l’air correct et même si elle aurait besoin de soins, il ne faisait aucun doute qu’un ou deux jours suffiraient à la remettre sur pieds. L’avocat changea quelque peu de ton, tâchant d’être plus conciliant et moins bourru :

- Ça va ! Et toi ? Pas de grosses douleurs ? Je vois que tu saignes un peu mais ça n’a pas l’air alarmant.

Il acquiesça d’un air convaincu. Sasha n’était pas de ces gens qui paniquent facilement, la vue du sang et la gestion des imprévus ne lui posaient aucuns soucis ! Aussi, une petite foule de passants s’était amassée autour de la voiture. Plusieurs, armés de leur téléphone, avaient déjà fait appel à l’ambulance. Dans quelques instants, on pourrait entendre les sirènes hurler au coin de la rue. Sasha défit sa ceinture de sécurité et ouvrit sa portière, il était hors de question qu’il reste là-dedans ! Il avait besoin d’air et surtout, de s’éloigner un peu. Jessica avait l’air plus blessée que lui, elle devrait probablement attendre là. L’avocat parvint à se hisser sur ses pieds, les badauds hésitèrent à l’aider à se tenir debout mais il les dissuada de le toucher d’un regard mauvais.

- Monsieur, vous devriez rester là, votre bras saigne assez fort ...

Sasha poussa un soupir et posa la main sur sa blessure, grimaçant de douleur à nouveau. Enfin, il put entendre l’ambulance arriver et une seconde plus tard, les ambulanciers s’occupaient de Jess. L’un d’eux avait voulu s’occuper de l’avocat mais il indiqua du menton la place de la conductrice, elle avait plus besoin d’eux que lui, pour le moment.

En attente

Jessica tentait de se montrer forte, ce qui la fit légèrement remonter dans l’estime de Sasha. Elle n’était pas une chochotte après tout ! C’était bon à savoir. L’avocat acquiesça quand elle réitéra sa question, il n’était pas mal en point, juste abîmé par-ci par-là mais rien de bien grave. D’ailleurs, il finit par s’extirper de la voiture, ce véhicule finirait par le faire souffrir de claustrophobie si ça continuait ! Les ambulanciers arrivèrent et Sasha resta debout, à côté de la voiture, l’air déconfit quand ils extirpèrent la demoiselle du véhicule. Elle avait probablement eu plus mal qu’elle ne l’avait laissé croire, ce qui fit penser à l’avocat qu’il devrait se rappeler de cet instant quand il rédigerait le rapport de stage de la jeune femme. Jessica fut portée dans l’ambulance, l’avocat suivit le mouvement et s’installa à ses côté, réalisant rapidement qu’elle avait perdu connaissance.

Tandis qu’elle était perdue dans l’inconscience, Sasha, lui, était bien ancré dans la réalité. L’ambulancier voulut impérativement s’occuper de sa plaie, prétendant qu’elle pouvait s’infecter voire pire. L’avocat le laissa faire, à contrecœur et s’en voulut énormément. La douleur fut insoutenable à peine l’individu eut posé les doigts sur son bras. Apparemment, un débris de verre jouait les passagers clandestins. L’ambulancier préféra ne s’occuper que du superficiel, laissant le reste aux médecins. C’est de cette manière qu’ils arrivèrent à l’hôpital où Jessica fut emmenée sur une civière et lui, dut se rendre dans une autre pièce avec des infirmières. Ce fut tout sauf une partie de plaisir, on lui proposa une anesthésie mais cela signifierait qu’il devrait mettre son bras au repos pour le reste de la journée ! Hors de question ! Sasha préféra qu’ils y aillent, tant pis si ça faisait mal. Et putain, qu’est-ce que ça fit mal !

Quand ils en eurent terminé avec son bras, un pansement tout neuf recouvrait tout son avant-bras et ils laissèrent Sasha retourner voir où en était Jessica. La jeune femme était installée dans une chambre, prise en charge plus tôt par des médecins, elle semblait paisiblement endormie. Au réveil, elle ressentirait sans doute les restes des douleurs. L’avocat se laissa tomber dans un siège, poussa un profond soupir et sortit son téléphone, envoyant des messages pour justifier leur absence et déléguer leur travail à d’autres. Pour l’heure, ils devaient faire une pause ! Jess devrait se reposer plus longtemps, d’ailleurs, on leur avait fait une prise de sang à tous les deux, par mesure de sécurité. Sasha avait les manches de sa chemise retroussées jusqu’au coude car tâchées de sang et il posa la tête contre le dossier du siège, fermant les yeux un instant. Un bruit dans le couloir le fit sursauter, dix minutes plus tard alors qu’il s’était endormi. Deux bons cafés, voilà ce qu’il leur fallait ! Sasha alla donc leur chercher ça et à son retour, il retrouva une Jessica éveillée et un peu déboussolée.

- Tout va bien, ne t’en fais pas ! Tu pourras sortir demain. Ils préfèrent te garder en observation pour la nuit, tu as apparemment reçu un coup sur la tête et c’est plus prudent, selon eux.

Il déposa le café destiné à la jeune femme sur la table de chevet et resta debout, sa tasse dans la main, la portant machinalement aux lèvres. Sasha n’avait plus à faire des efforts pour se montrer sympathique, à présent, la demoiselle lui semblait plus courageuse, plus responsable. Il appréciait cela et cela se ressentait. De plus, c’était un peu de sa faute si elle s’était retrouvée ici ! Sasha culpabilisait un peu, elle avait quoi ? Vingt ans et quelques poussières et même si cette collision n’avait pas été bien grave, elle aurait pu l’être ! Et si quelque chose de pire était arrivé, l’avocat s’en serait voulu toute sa vie, c’était une certitude. Son regard avait d’ailleurs changé, moins froid, il paraissait désormais plutôt protecteur.

- Comment tu te sens ?

En attente

Jessica s’empara du café, elle semblait déboussolée mais plutôt en bonne forme, aussi bien que puisse être une personne qui vient de se faire salement secouer par une collision en voiture. La jeune femme reprit la parole, s’excusant pour l’accident. Sasha fit un simple geste de la main, pour lui confirmer que tout cela n’était rien, qu’elle n’y pouvait rien. Quant à sa seconde remarque, Sasha n’attendait pas là pour rien ! Il devait discuter avec les médecins, histoire de savoir combien de temps la miss devrait rester au repos. L’avocat comptait bien la couvrir le temps qu’elle se remette sur pieds, c’était bien le moins qu’il puisse faire. Il répondit très rapidement à sa question :

- Je suis en pleine forme. Le médecin ne devrait plus tarder.

Une seconde plus tard, la jeune femme lui parla d’une peluche. Sasha fronça les sourcils, déstabilisé par cette question. Ils venaient d’atterrir tous les deux à l’hôpital et elle s’inquiétait pour une peluche ? L’homme était un peu pris de court. Sans doute dut-elle le lire dans son regard légèrement suspicieux. L’avocat porta sa tasse de café aux lèvres et en avala une gorgée, prenant le temps de réfléchir à sa réponse. Sasha, sourcils froncés et air dubitatif, décida de répondre du mieux qu’il put, sans être méchant bien que sur le moment, il ne comprenait plus Jessica.

- Écoute, j’ai envoyé quelqu’un s’occuper de ta voiture. Je prends les frais en charge, c’est le moins que je puisse faire. Les dégâts ne sont pas immenses et je pense que ta peluche doit être intacte, à sa place initiale sans doute.

Tout à coup, la blouse blanche tant attendue fit irruption dans la chambre d’hôpital. Sasha tourna la tête et observa d’un regard reconnaissant le médecin. Celui-ci s’approcha, entama une conversation avec la jeune femme et lui expliqua qu’il n’y aurait aucune séquelle, aucuns problèmes pour le futur. Cependant, une nuit dans cette chambre lui semblait nécessaire. Le docteur se tourna ensuite vers Sasha et les deux hommes échangèrent quelques mots, rapidement, sans que Jessica ne puisse entendre ce qui se tramait là-dessous. L’avocat acquiesça, remercia le docteur et revint vers la blessée tandis que la blouse blanche retournait à ses autres patients.

- Alors, je t’annonce que tu as droit à une semaine complète de repos ! Je te couvre, t’en fais pas. Tu te reposes, tu prends soin de toi et tu m’appelles d’ici quelques jours pour me tenir au courant !

Des bruits de pas dans le couloir venaient de se faire entendre, Sasha n’avait aucun doute qu’il s’agissait des parents adoptifs de la jeune femme, inquiets à mourir au sujet de leur fille. Il salua d’un geste de la main sa stagiaire et l’abandonna après ces paroles. Il salua la famille dans le couloir, ne cherchant pas à se retrouver au milieu de la réunion de famille ! Et puis, il avait du travail qui l’attendait.