Et voilà la vie de mon personnage...

PEARL TREES LOCAL NEWS

Comme promis dans notre dernière édition, nous entamons notre nouvelle rubrique d'interviews, de vos interviews. Pour commencer, voici le compte-rendu de l'entretien de notre journaliste avec une jeune femme de votre ville, une demoiselle aventurière et intrépide, qui n'a pas froid aux yeux et qui exerce un métier surprenant et loin d'être commun par chez nous, car elle est archéologue. Lee-Lou Winstons, née à Pearl Trees il y a de cela vingt-huit ans, s'est prêtée au jeu des questions-réponses avec bonne humeur pour inaugurer cette nouvelle page de votre journal local préféré.

Bonjour Lee-Lou. Pour commencer, est-ce que vous voulez bien vous présenter un peu ?
Bonjour. Alors je m'appelle Lee-Lou Rachael Winstons, je suis née le douze avril mil neuf cent quatre-vingt-cinq, ici à Pearl Trees, et j'ai eu une enfance plutôt dorée, je pense. Mes parents ayant largement les moyens de me mettre à l'abri du besoin. Cependant, n'allez pas imaginer que je suis de ces enfants uniques gâtés et pourris par des parents trop riches, loin de là. Très tôt, mes parents partirent en voyage, me laissant aux bons soins de nounous. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, je n'en ai pas souffert, au contraire même.

Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?
Déjà, parce que j'avais plus ou moins ce que je voulais, bien que je ne fus pas vraiment gourmande, même si j'aurais sans doute pu en profiter bien plus, en les faisant culpabiliser de leur absence pour obtenir vraiment tout. Le fait aussi, de ne pas les avoir constamment sur le dos et ainsi, pouvoir jouir d'une certaine liberté. Du moins cela est vrai pour ce qui concerne mon adolescence, car petite j'avais toujours au moins une nourrice à mes basques. Ce que j'aimais par-dessus tout, c'était l'attente de leur retour, je trépignais d'impatience de les voir revenir, pour qu'ils me comptent ce que je prenais comme leurs aventures. Toujours, ils prenaient le temps de le faire, c'était notre moment à nous, et moi j'avais des étoiles dans les yeux à m'imaginer ce qu'ils me racontaient, d'autant qu'ils ramenaient plein d'objets tous plus merveilleux les uns que les autres. Comment aurais-je pu leur en vouloir ? Comment aurais-je pu être malheureuse de leur absence, quand les retrouvailles étaient si enchanteresses ?

Je comprends. C'est donc eux qui vous ont transmis le goût de l'aventure ?
Oui et non. Ils m'ont, en effet, transmis le goût des voyages, mais celui pour l'aventure en tant que telle, je ne le dois qu'à mon caractère un brin casse-cou. Mes parents voyageaient souvent, certes, mais toujours dans des palaces, ne baignant que dans le luxe et l'opulence, avec rien à faire d'autre que laisser les autres faire pour eux. De mon côté, j'ai toujours aimé grimper aux arbres, m'inventer des parcours du combattant, dormir sous une tente dans le jardin et ce genre de choses qui rapprochent de la nature, qui donnent un côté sauvage, et apporte un brin de folie au quotidien.

Je vois. C'est donc ce besoin de voyage comme vos parents, et surtout d'aventure, qui vous a fait devenir archéologue ?
C'est exactement cela. Depuis toute petite j'aime l'histoire, comprendre d'où l'on vient, pourquoi le monde est tel qu'il est, en découvrant ce qu'il a été. J'ai su ce que je voulais faire vers huit ou neuf ans, alors que mes parents m'expliquaient comment avait été trouvé le vase qu'ils avaient ramené et ce qu'il signifiait. C'est vrai que ce métier regroupe tout ce que j'aime : l'histoire, les voyages, les découvertes, les aventures. Je pense sincèrement qu'il n'y a pas d'autre métier plus adapté à ce que je suis. J'aime mon travail et j'en suis très fière.

Alors, pourquoi avoir tout lâché le temps d'une année sabbatique ?
Parce que j'avais envie de découvrir et voir le monde autrement que par uniquement des fouilles archéologiques. J'avais envie de le découvrir par moi-même, et surtout de pouvoir profiter des endroits où j'allais, ce qui n'était presque jamais possible avec mon travail. De plus, je désirais aller visiter les lieux où mes parents se sont rendus et dont ils me comptaient les merveilles. En étant archéologue, je ne choisis pas où je vais aller travailler. Cette année sabbatique me permet donc de réaliser tout cela. D'ailleurs, contrairement à mes parents, je ne me la joue pas touriste de luxe, je le pourrais, certes, mais je préfère de loin le mode baroudeuse : t-shirt, short, chaussures de randonnée et sac à dos. C'est plus intéressant, passionnant, trépidant. J'ai besoin d'adrénaline. Me la couler douce, je n'y trouve aucun plaisir, aucun intérêt.

Justement, pourquoi donc avoir abrégé cette expédition, puisqu'elle semblait vous tenir tant à cœur ?
Le cœur justement. Cela peut paraitre étrange et stupide pour quelqu'un comme moi, qui ai toujours fait passer ses quelques relations au second plan, après sa carrière et ses rêves d'aventures. Ça doit être pour cela d'ailleurs, qu'elles n'ont jamais durées bien longtemps. Mais ma route a croisé celle d'un homme à la Isla del Sol, qui m'a fait revoir mes priorités. C'est ce que l'on peut appeler un coup de foudre. Je n'y croyais pas, je n'ai jamais été vraiment d'un grand romantisme, jusqu'à ce que je le rencontre, lui. J'étais perdue, je recherchais un lieu précis dont mes parents m'avaient parlé, mais je parle assez mal espagnol, je n'arrivais pas à me faire comprendre, et la plupart des gens ne parlaient pas notre langue. Mais lui la parle parfaitement, et il est celui qui m'aida. Immédiatement, le feeling est passé entre nous. Il me comprend comme personne d'autre jusque-là. Très vite, on ne se quittait presque plus, que j'en ai rallongé mon séjour sur l'île. Finalement, ensemble, sur un coup de tête, nous avons décidé de partir, de rentrer à Pearl Trees et d'y emménager ensemble. Voilà comment j'en suis venue à avorter mon voyage autour du monde et je ne regrette rien. Cela fait maintenant plusieurs mois qu'il partage ma vie, et je n'ai jamais été aussi heureuse.

Et comment vos proches ont-ils réagi ?
À ma grande déception, pas avec grand enthousiasme. Évidemment, ils sont heureux pour moi, que je sois avec quelqu'un qui me convienne et surtout qui m'accepte tel que je suis. Mais tous, et spécialement ma meilleure amie, restent assez sceptiques quant à cette relation. À vrai dire, Ava n'approuve pas du tout mon compagnon, et nous sommes souvent en conflit à son sujet, je trouve parfois qu'elle s'immisce un peu trop dans mon histoire. Elle est celle qui a réagi le plus mal, et cela m'attriste. J'espère qu'elle, comme les autres, finiront par prendre conscience que je sais ce que je fais, que j'ai confiance en lui et surtout, qu'ils finiront par l'accepter et l'apprécier.

Nous arrivons aux termes de cette interview. Merci mademoiselle Winstons de nous avoir livré un peu de vous au travers de ces quelques lignes. Un dernier mot ?
Merci à vous. Et je voudrais dire à tout le monde, vivez vos rêves, allez au bout des choses et soyez maître de votre destin.

Propos recueilli par votre fouine préférée. Dès le mois prochain, retrouvez dans votre journal l'interview d'une star locale du ballon rond.

Laissez-moi vous raconter un événement marquant de ma vie...

Petite blondinette entre huit et neuf ans, elle fait les cent pas, les mains dans le dos, la tête haute, fière dans sa jolie robe à volants mauve. La jeune fille attend avec impatience, comme à chaque fois que ses parents partent en voyage, qu'ils reviennent, avec eux dans leurs valises, un trésor dont ils lui compteront les merveilles. Elle trépigne, accélère le pas, ils ne vont plus tarder. Lee-Lou Winstons s'arrête net, le ronron du moteur de la Mercedes de ses parents résonne dans la nuit ambiante. Elle court à la porte et sort sur le perron, pour regarder le véhicule avancer sur l'allée cailloutée. Elle n'aperçoit que les phares blancs l'aveuglant se dirigeant vers elle, mais la petite fille est déjà loin, dans ses rêveries, anticipant ce que ses parents auront à lui raconter.

Le moteur de la voiture se coupe, les phares s'éteignent, plongeant l'immense jardin privé dans le noir. Seule la lampe sous le porche émet une faible lueur leur permettant d'arriver sans encombre jusque chez eux. Lee-Lou sautille, tourne autour, à tour de rôle, de son père et de sa mère. Une fois à l'intérieur, et la porte refermée derrière aux, alors que les domestiques venaient de finir de faire entrer les bagages, la fille unique du couple saut au cou de ses parents. « Vous m'avez manqués » Elle leur adresse un large sourire. Ses yeux pétillent déjà, montrant ainsi son impatience, de se retrouver avec eux, comme toujours, assis devant la cheminée crépitante du salon. Une fois de retour les deux pieds sur le parquet ciré du hall, la petite miss attrape une main à chacun de ses parents et les tires vers le salon. « Alors, alors, c'était comment ? Vous avez ramené quoi cette fois ? » Elle voulait tout voir, tout savoir, immédiatement. Hors de question d'attendre le lendemain, même s'il était tard, et impossible pour ses géniteurs de négocier, c'est qu'elle était têtue la jeune Lee-Lou Winstons.

« Allez viens-là. » Sagement, elle se dirige vers son papa, se cale entre ses jambes, dos contre lui, sa maman est juste à côté d'eux. Tous les trois assis sur le grand tapis d'orient, dos au canapé et face à la cheminée, ils commencent à discuter de ce magnifique énième voyage de monsieur et madame Winstons. Puis vint le moment que l'enfant attendait tant, celui de la découverte des objets ramenés par ses parents. Cette fois-là, il s'agissait d'un superbe vase ancien, un vase grec montrant deux chevaliers en combat. Lee-Lou était émerveillée par l'état encore impeccable de l'objet et elle n'avait jamais été aussi calme que ce soir-là. Elle écoutait attentivement la voix chaude et réconfortante de son père lui expliquer comment il avait été retrouvé, par des gens dont c'est le métier. QU'ils font des fouilles, trouves de vieux objets ou personnes, qu'ils les restaurent et permettent ainsi d'expliquer et de comprendre l'histoire de l'humanité. À ce récit, plus qu'à n'importe quel autre, le cœur de la petite fille battit la chamade. Elle se leva d'un bond, se plaça face à ses parents, qui la regardèrent intriguer. Droite, les mains sur les hanches, un air parfaitement déterminé dans ses grands yeux bleus, elle leur annonça avec une sincérité déconcertante qu'elle savait ce qu'elle ferait quand elle serait grande. « Je ferais comme eux, j'irais chercher les vieux objets pour expliquer le monde, et je serais la meilleure ! » Ses parents amusés, acquiescèrent d'un signe de tête, un léger sourire sur le visage, ils ne la pensaient probablement pas vraiment sérieuse, que ça lui passerait. Mais de ce soir, plus jamais Lee-Lou ne voulut faire autre chose de sa vie qu'être archéologue.